La gare de Lannoy

SUR LA LIGNE DE CHEMIN DE FER DE SOMAIN A ROUBAIX-TOURCOING

En 1860, le Maire de Lannoy est informé de la mise à l’étude d’un projet de ligne de chemin de fer reliant directement Lille à Tournai, en suivant jusqu’à Baisieux, la route dite « Impériale ».
L’administration municipale de la commune établit un contre-projet faisant passer cette nouvelle ligne par Mons-en-Baroeul et Flers, pour la rapprocher de Lannoy où serait installée une station, puis rejoindrait le chemin de fer belge à Templeuve en Dossemez.
Pour justifier de l’utilité de ce tracé, le Maire propose qu’il y ait un embranchement partant de Lannoy et rejoignant Roubaix, ce qui relierait, à moindres frais, cette ville à Tournai. Malgré de nombreuses démarches et l’appui du Conseil municipal de Roubaix, ce contre-projet n’aura pas de suite.
 
Le 10 juillet 1868, il est fait une première mention du projet d’une ligne de chemin de fer devant relier Somain à Roubaix-Tourcoing pour assurer le ravitaillement en charbon des grandes cités textiles.
Le décret impérial du 25 mai 1869 accorde à la Compagnie des chemins de fer du Nord-Est, la concession de la ligne, soit 40,6 km entre Somain et Roubaix-Tourcoing, par Orchies et Cysoing. La concession est à titre éventuel, les formalités d’enquête n’étant pas encore réalisées. Les travaux devront être entrepris un an plus tard et terminés en six ans. Cette ligne, prévue seulement pour les convois de marchandises, devait passer par Lys-lez-Lannoy, longer la ville de Lannoy et traverser en plusieurs endroits les cultures de la commune de Hem.
 
Le 10 octobre 1868, le Conseil municipal de Lys s’était uni aux communes environnantes pour demander la mise à l’étude de cette ligne. Les parlementaires de la région, avec à leur tête le dynamique Jules Brame, font circuler une pétition favorable, mais le Conseil municipal de Hem, méfiant, ne fait aucun commentaire et le 19 décembre 1869, l’ingénieur en chef des lignes du Nord, demande à rencontrer le Maire de la commune. Il dut être persuasif, car cette fois, le Conseil est tout à fait d’accord et insiste immédiatement pour obtenir une gare à Hem, la plus proche possible du centre de la commune. Comme les habitants d’Annappes ont également envie du train, en octobre 1871 les Hémois font, à leur tour, circuler une pétition pour obtenir que la gare reste sur leur territoire.
 
En juin 1871, le Préfet du Nord demande à tous les Conseils municipaux de délibérer sur la position des stations du chemin de fer. Il n’y a aucune objection de la part des Conseillers de Lys puisque leur commune devait être équipée d’une station se situant à proximité des établissements industriels de Boutemy. Cependant, MM. Henri Delattre et Louis Dubar demandent qu’elle soit reportée de l’autre côté de la route, cet emplacement devant être plus favorable aux intérêts des pauvres de Lys puisque la station devait être construite sur un terrain leur appartenant et qu’ils en perdraient les bénéfices de la mise en location.
 
 A Toufflers, le Conseil municipal, après avoir pris connaissance des plans dressés par l’ingénieur, délibère qu’il n’a aucune observation à présenter car l’emplacement des stations et le tracé de la ligne ne touchaient aucunement au territoire de la commune.
 A Hem, la consternation est grande car aucune gare n’y est prévue. Les Conseillers vont trouver le Maire de Lannoy qui, justement, est commissaire-enquêteur, puis rédigent un rapport dans lequel ils demandent d’obtenir une gare à Hempenpont. Ce hameau, très industriel, comprend 19 générateurs à charbon sur les 21 existants dans la commune. Ce chiffre était très probablement exagéré, mais il est important de signaler que, dans ce secteur, une ligne de teinturerie s’était implantée le long de la Marque. Depuis longtemps, il existait une tradition de blanchisseries au bord de cette rivière. La teinturerie demandant beaucoup d’eau, cela posait un problème à la ville de Roubaix : la Marque fournissait l’eau et permettait les rejets des polluants. Cette activité attira un fabricant de teinture chimique et, après 1870, cinq autres teintureries s’y installèrent.
Pour faire fonctionner les chaudières, ce secteur d’activité aurait eu besoin de plus de 1 200 wagons de houille par an et il faillait prévoir également le transport de grains, de produits chimiques et de produits de sucrerie.
 
Le 12 janvier 1875, le tracé définitif de la ligne de chemin de fer est publié. A Hem, c’est la consternation car la voie ferrée supprime le passage des véhicules et des piétons sur six chemins de la commune, ce qui cause le plus grand préjudice aux cultivateurs.
A la demande des fermiers, le Conseil municipal réclame immédiatement des chemins latéraux à la voie, quatre passages à niveau et un pont sur la grande route. Il demande également que les aqueducs et courants d’eau interrompus soient rétablis en priorité, étant donné les dangers d’inondation.
La question de la gare de Hem n’est toujours pas réglée et le Conseil municipal réclame qu’il y ait au moins une halte au chemin du Calvaire. Mais dans la commune, les partisans et les détracteurs de la linge continuent de s’affronter.
 
La Compagnie du Nord a repris, au premier janvier 1876, l’exploitation des lignes construites par la Compagnie du Nord-Est, notamment celle de Somain à Orchies, déjà en exploitation sur 16,2 km.
En décembre 1876, la construction est commencée et les ingénieurs souhaitent déplacer la rivière dite « vieille Marque » ainsi que la route départementale de Forest et les rendre parallèles au train sur une longueur de 400 mètres. Les Conseillers ne sont pas d’accord et prétendent que, affolés par les locomotives, les chevaux en s’emballant risquent de se jeter à l’eau ou de causer de graves accidents.
 
En juillet 1877, le Préfet revient à la charge pour la déviation de la route, mais le Maire maintient son opposition et réclame des passages à niveau. Ce sont finalement les ingénieurs qui gagnent la partie.
 
A Lys, les habitants rédigent une pétition demandant le maintien du sentier qui fait communiquer le quartier de Cohem avec la route départementale au niveau du carrefour de la Justice. La Compagnie du chemin de fer est invitée à rétablir le passage pour piétons supprimé, ce qui sera fait l’année suivante avec la participation de la commune pour un montant de 460 francs.
        
Le 8 juillet 1878, le Ministre ayant approuvé la dénomination de Lannoy-Lys pour la gare du chemin de fer, le Conseil municipal de Lys conteste les arguments avancés par le Maire de Lannoy à l’origine de ce choix et prie Monsieur le Ministre de revenir sur sa décision.
Il faut savoir que depuis longtemps, la ville close de Lannoy, à l’étroit entre ses remparts, souhaitait agrandir son territoire et s’étendre plus particulièrement en direction de Roubaix, c’est-à-dire sur le territoire de Lys où se trouvaient justement les industries florissantes.
 
Après une première tentative en 1835, puis une autre en 1865, qui chacune dura plusieurs années, le Préfet décide le 17 septembre 1867, l’annexion pure et simple de Lys à Lannoy, pour ne former qu’une seule commune qui prendra le nom de Lannoy-Lys et dont le chef-lieu est fixé à Lannoy. Heureusement, après de nombreuses démarches et manifestations, le Conseil d’Etat annule le 14 février 1868, pour excès de pouvoir, l’arrêté du Préfet. Il faut donc comprendre la colère des habitants de Lys, lorsque dix ans après cette victoire, on leur annonce que la gare portera le nom de Lannoy-Lys, plutôt que celui de Lys-lez-Lannoy, ce qui leur paraissait plus logique puisque la station se trouvait sur leur commune.
 
Toujours à Lys, le 20 août 1878, le Conseil municipal donne un avis favorable à la demande de Monsieur Boutemy de faire traverser la carrière du Bois par une ligne de raccordement entre son établissement de filature de lin et le chemin de fer car son usine, qui comprend 30 000 broches et occupe 1 500 ouvriers, consomme près de 1 200 tonnes de houille par mois et met en œuvre chaque mois, 150 tonnes de lin et 20 tonnes de matériaux divers. La station de Lannoy-Lys, avec une halle aux marchandises, est construite la même année.
 
Suite à une décision du Ministre des travaux publics, la section Orchies-Tourcoing est livrée à l’exploitation en 1879. Le 26 juillet de cette même année, le Conseil municipal de Lys, demande l’expropriation, pour cause d’utilité publique, d’un terrain en forme de triangle, obstruant par une clôture l’entrée de la gare et appartenant à M. Pollet-Jonville de Roubaix. Le 3 mars 1881, le Conseil vote 1 000 francs pour l’achat de ce terrain et demande la dispense des formalités de purge des hypothèques.
 
Le 5 août 1881, l’entreprise Boutemy obtient du Préfet l’autorisation de mettre en service une locomotive sur l’embranchement qui relie son établissement à la gare de Lannoy. C’est cette même année que les trains vont commencer à circuler sur la ligne et la compagnie propose à la ville de Hem la construction d’une halte, à condition que la commune en paye les frais. Les Conseillers municipaux, hostiles et outragés, sont d’avis d’attendre le sort réservé à un nouveau projet de ligne reliant La Madeleine à la Belgique et passant par Hem et Lannoy. Mais ce projet ne sera pas réalisé.
 
En 1886, la population se plaint de la barrière sur la route de Hem à Forest qui reste toujours fermée. Sur cette partie de la ligne, il ne circule que des wagons de charbon et la compagnie envisage la création de trains de voyageurs afin de drainer la main-d’œuvre vers le centre textile de Roubaix. Elle propose que si la ville de Hem souhaite une halte, elle en assume les frais elle-même.
Le Conseil, après maintes délibérations, finit par voter un crédit de 500 francs pour l’implantation d’un arrêt à la barrière au point dit « Ronde du Château ». Les premières statistiques connues concernant le trafic des voyageurs à ce point d’arrêt facultatif, datent de 1898 où l’on dénombre 21 215 voyageurs, soit près de 60 personnes par jour.
 
Sur la demande de MM. Parent et Desurmont, industriels au quartier du Petit-Lannoy, le Maire tente en vain d’obtenir une nouvelle halte pour desservir le hameau des Trois-Baudets et celui du Petit-Lannoy. Il n’y aura jamais de halte aux Trois-Baudets, et celle du Petit-Lannoy ne sera mise en service qu’en 1909, avec un trafic de 8 546 voyageurs par an, soit environ 23 par jour.
 
En 1890, les industriels hémois, qui ont demandé la construction d’une gare de marchandise, essuient un refus de la compagnie qui leur propose seulement un service de wagons complets, sans livraison de détail. Les habitants continuent toujours de se plaindre des embouteillages à la barrière, sur la route de Forest.
 
Le 22 décembre 1895, M. Echevin, Conseiller municipal de Lys, demande que l’on mette une sonnette à la barrière de Cohem pour servir lorsque le garde-barrière est couché. La demande est transmise à la compagnie. Quelques mois plus tard, le Conseil demande la substitution d’une barrière à bascule à celle qui existe car l’heure d’ouverture est trop tardive pour les cultivateurs qui doivent y passer le matin.
 
Le 22 mai 1895, un grave accident se produit à la gare de Lannoy-Lys. Nous en trouvons un article dans le Journal de Roubaix : « Un accident très pénible s’est produit mardi à deux heures de l’après-midi à la gare de Lys-lez-Lannoy. Monsieur Jules Fava, homme d’équipe, était occupé à accrocher des wagons, quand deux de ces voitures ayant reçu une poussée un peu trop forte, dépassèrent le point d’arrêt. Monsieur Fava voulu reculer pour les arrêter mais son pied ayant rencontré un obstacle, le malheureux tomba. Les roues des deux wagons lui passèrent sur le bras gauche qui fut coupé net, à la hauteur du coude. Les camarades de Monsieur Fava, épouvantés, s’empressèrent de relever l’infortuné qui poussait des cris déchirants. Il fut aussitôt transporté chez Monsieur Lagneau, pharmacien de la Compagnie du chemin de fer du Nord, qui lui donna les premiers soins en attendant l’arrivée de Messieurs les docteurs Lherbier et Petitpas. Après avoir examiné l’affreuse blessure, les deux médecins, ayant jugé nécessaire l’amputation, la pratiquèrent sur le champ. Monsieur Fava, qui est marié et père de six enfants, a été ensuite transporté à son domicile, au hameau de Cohem, à Lys-lez-Lannoy. Etrange coïncidence, le prédécesseur de Monsieur Fava, Monsieur Batarlie, avait lui aussi été victime d’un accident semblable en tout point ».
 
En 1896, le Conseil municipal de Hem étudie à nouveau le projet d’une gare de marchandises, mais celui-ci est ajourné par onze voix contre dix et un bulletin blanc. De justesse, les fermiers ont battu les industriels et Hem n’aura jamais sa gare pour les colis.
Le 4 décembre 1904, à la demande de Monsieur Jules Lepers, le Conseil municipal demande la construction d’un hall couvert à la gare de Lannoy-Lys. L’assemblée, sur la remarque de Monsieur Gossart, émet le vœu d’une amélioration de l’éclairage.
 
Le 27 septembre 1906 eut lieu à nouveau, à Lys, un grave accident qui coûta la vie à un ouvrier tisserand qui, vers vingt heures, longeait la voie ferrée à proximité de la barrière de Cohem. Tamponné par un train et projeté dans le fil d’eau qui longeait un des côtés de la voie, son corps ne fut découvert que le lendemain à 5 h 30 du matin.
 
En mars 1914, la municipalité de Toufflers réclamait des améliorations dans l’organisation et l’installation de la gare de Lannoy qui desservait la commune. Suite à cette intervention, le Ministre des travaux publics adressa au Préfet du Nord, pour être notifiée à Monsieur le Maire, la lettre suivante :
« Paris le 12 mars 1914,
Le Conseil municipal de Toufflers a signalé diverses défectuosités des installations de la station de Lannoy, notamment :
1° l’encombrement de la salle des pas-perdus par des colis
2° l’insuffisance de l’éclairage et du chauffage des salles d’attente.
En ce qui concerne le premier point, une décision ministérielle du 12 août 1913 a approuvé, pour l’extension du service des messageries à cette station, un projet dont la réalisation aura pour effet de supprimer la gêne éprouvée à certaines périodes du fait du dépôt des colis dans le vestibule.
Quant à l’éclairage et au chauffage, ils semblent assurés dans des conditions satisfaisantes, l’un au moyen de becs à gaz, système Auer, au parfait entretien desquels les agents de la Compagnie du Nord ont en charge de veiller tout spécialement, l’autre à l’aide d’un appareil tout à fait suffisant et en bon état, dont l’allumage et la conduite ont lieu régulièrement.
Dans ces conditions, le vœu du Conseil municipal ne me paraît susceptible d’aucune autre suite ».
 
Il y avait un trafic important à la gare de Lannoy-Lys : charbon, produits agricoles, drêches des brasseries, matières et produits textiles des usines nombreuses et importantes, sans oublier les voyageurs. 21 201 personnes par an en 1879, pour arriver avec une progression régulière à 60 867 en 1899, puis une diminution continue, pour n’atteindre que 46 968 voyageurs en 1908. L’année suivante, la chute de la fréquentation est brutale, 34 843 personnes, mais elle s’explique par la mise en service de la halte du Petit-Lannoy. Le trafic regroupé des deux stations relativement proches l’une de l’autre, donne une fréquentation de 43 389 voyageurs mais ne sera plus que de 34 447 en 1912.
 
L’arrêt des usines Boutemy en 1934, la suppression du service voyageurs avant 1939, provoqueront une diminution du trafic que l’installation des Etablissements Stein sur le site Boutemy ne parviendra pas à enrayer. La gare est désaffectée. Elle est démolie en 1983.

Bernard MOREAU (1930-2010)
Trésorier de la Société d’Emulation de Roubaix

 
Sources :
Délibération des Conseil municipaux de Lys, Lannoy et Toufflers
Articles du Journal de Roubaix
Ville de Lys, son histoire par Anthime Liénard
Lys à la Belle Epoque par le Cercle d’Etudes Historiques de Lys-lez-Lannoy
Hem, d’Hier et d’Aujourd’hui par André Camion et Jacquy Delaporte
Archives municipales de Roubaix : Série O VI (e) n° 3
A.D.N. – M 417/4147.
 
        

Les Hôtels de ville


AVANT 1794
Le château des Seigneurs de Roubaix, bâti vers le milieu du 15e siècle, par Pierre Seigneur de Roubaix et de Herzelles (né à Herzelles, le 1eraoût 1415) s’étendait derrière l’actuelle Grand’ Place vers et jusqu’à la rue de la Poste.
Une rue étroite et parfaitement rectiligne conduisait de la forteresse seigneuriale jusqu’à l’unique place située aujourd’hui entre l’église paroissiale Saint-Martin et l’entrée de la Grand’ Rue (place dite du Marché aux Fleurs).
A l’entrée de cette voie (ce qui reste, aujourd’hui, de cette rue, s’appelle encore rue du Château) qui se trouvait à l’alignement de la Grand’Rue et de la rue Saint-Georges (actuelle rue du Général Sarrail), s’élevait la Halle Echevinale (à Roubaix, l’échevinage date du 15e siècle), le premier « hôtel de ville », et l’Egarderie (qui fut transférée quelque temps plus tard dans le bâtiment abritant actuellement la librairie « Les Lisières ».
Un peu d’histoire…
L’Hôtel de Ville d’aujourd’hui est le quatrième que la ville de Roubaix ait connu dans son histoire.
Jusqu’en 1794, Roubaix avait un échevinage (créé par Jean V de Roubaix en sa terre et seigneurie, suite à la charte de Jean, Duc de Bourgogne en date du premier octobre 1414). Cette antique institution composée de sept échevins (en remplacement des « juges cottiers » qui étaient de simples gens n’ayant que peu ou point de connaissances en fait de justice) se réunissaient dans une halle qui se situait à la jonction de la rue du Château et de la Place (actuel espace limité par l’église Saint-Martin, le Palais du vêtement et le prolongement de la Grand’Rue). Cet immeuble demeure, jusqu’à la révolution, la propriété du Seigneur de Roubaix.
1794 – 1840
En 1790, l’assemblée, toujours formée de sept échevins, est remplacée par des Conseillers municipaux. Le nouveau Conseil décide, dès 1792, de tenir ses séances dans les bâtiments de l’Hôpital Sainte-Elisabeth, la maison échevinale tombant de vétusté. Seule l’infirmerie de cet hôpital (fondé par Dame Isabeau de Roubaix) est occupée jusqu’en 1806.
En 1812, la commune, voulant marquer de manière plus précise la destination officielle de ce bâtiment, fait construire un péristyle central à quatre colonnes en avant corps.
1840 – 1911
En 1840, notre cité connaît son premier essor industriel. En quarante années, la population passe de 8.205 à 30.000 habitants et en 1847, le collège magistral de la commune est renforcé (le nombre des adjoints passe de 1 à 3 et celui des conseillers est porté à 36). Aussi est-il décidé par cette administration de construire un nouvel hôtel de ville qui devait être le chef-lieu de la commune jusqu’en 1907.
DEPUIS 1911 : lHôtel de Ville actuel
La puissance industrielle de notre cité continue de s’affirmer et de se confirmer au delà de toutes les prévisions imaginables pendant la seconde moitié du 19e siècle et la population a, depuis plus d’une décennie, dépassée la barre des 120.000 habitants quand le Conseil municipal, sous l’administration de Monsieur Eugène MOTTE, décide, en 1903, de remplacer l’Hôtel de ville devenu trop petit par la magnifique mairie que nous connaissons aujourd’hui.
Commencé en 1907 sur les terrains sur lesquels s’élevaient l’ancienne mairie, la condition publique et la bourse du commerce, le nouvel Hôtel de ville est inauguré le 30 avril 1911 en même temps que l’Exposition internationale du Nord de la France.
Cet édifice est bâti sur les plans de l’architecte Victor LALOUX (auteur également des plans de la gare d’Orsay, maintenant musée, et de la mairie de Tours, sa ville natale) secondé par Monsieur DUBOIS, architecte à Roubaix (l’aile gauche – rue du Château – qui fut construite avant la mairie pour les besoins de la Chambre de Commerce est de l’architecte roubaisien Ernest THIBEAU) et orné des sculptures réalisées à gauche (face à la mairie) par Alphonse CORDONNIER (la cueillette du coton et la tonte du mouton), du Roubaisien LAOUST (les armoiries de la ville), d’Hyppolite LEFEBVRE (deux statues de 4,80 m et représentant la Paix et l’Abondance), d’Edgar BOUTRY (personnages assis, représentant la Vigilance et la Modération) et de Léon FAGEL de Valenciennes (pour les 3 hauts-reliefs, représentant le tissage, la teinture et le conditionnement).
LA SALLE DES MARIAGES
Qualifié de somptueux par la presse de l’époque, le bâtiment central de cette mairie abrite entre autre, à son premier étage, trois magnifiques salles : la salle du Conseil, le Salon d’honneur et la salle des mariages.
Le plafond de la salle des mariages est orné d’une peinture due au Parisien François SCHOMMER. Elle fut terminée en juillet 1914. Cette dernière ne manque pas d’intérêt pictural et glorifie, par son côté « mythologie républicaine » commun en ce début de siècle, le mariage civil.
Paul-Louis DEFRETIERE écrivait, à son propos : « Dans son envolée et malgré son cortège de putti à la mode du 18e siècle, elle célèbre un mariage essentiellement républicain et c’est la vérité qui est chargée de guider, d’éclairer le couple, un couple issu de la classe laborieuse comme le montre le costume du marié. Ainsi, se trouve magnifié le mariage en tant que fondement d’une société en marche vers le progrès dans le meilleur esprit de la troisième République, alors triomphante. »
LA FACADE DE L’HOTEL DE VILLE
En 1905, l’Hôtel de Ville, reconstruit en 1840, ne convient plus à une orgueilleuse capitale industrielle, passée de 30 000 à 100 000 habitants. Le maire, l’industriel Eugène MOTTE, fait appel à l’architecte Victor LALOUX, auteur de la gare d’Orsay à Paris. La ville veut une mairie faisant face à l’église, sur une grande place rectangulaire, et exige des sculptures.
La vaste opération de ravalement qui permet de blanchir les superbes pierres de la mairie de Roubaix aura pour grand effet de ressusciter les superbes frises qui en parcourent la façade.
Depuis 1911, année de l’inauguration de l’établissement conçu par Victor LALOUX, celles-ci avaient eu tout le loisir de s’encrasser.
• Côté bâtiment administratif, on distingue beaucoup mieux le couple formé par un vieillard et une femme. Les deux personnages encadrent une hutte. Le vieillard se trouve près d’un bélier aux cornes recourbées. Quant à la femme, elle est assise près d’une jarre qui symbolise les tâches ménagères. Une devise surplombe ces sculptures : « Pax Labor », la paix et le travail.
• Côté bâtiment du Commerce, on ne peut plus lire à son fronton l’inscription « Chambre de Commerce » qui a été effacé lors des travaux de ravalement. L’annexion de ce bâtiment à l’ensemble administratif est en effet définitive. On reconnaît le dieu Mercure alias Hermès dans la mythologie grecque coiffé de son casque ailé symbolisant la vélocité du dieu messager de l’Olympe et tenant à la main droite le fameux caducée. De part et d’autre de ce personnage, deux femmes assises, peut-être les deux secrétaires particulières du patron Mercure. A droite de celui-ci, l’une d’elle est appuyée sur une pile de dossiers et à l’arrière plan, se trouve une machine comportant de très nombreux rouleaux. De l’autre côté de Mercure, l’autre femme dans une pose semblable à la première, déverse les trésors d’une corne d’abondance. La première symbolise l’industrie, la seconde, le commerce.
On remarquera, au sommet de l’ancienne chambre de commerce et du bâtiment administratif, des corniches baroques, représentant des cornes d’abondances enflées de mille richesses.
• La frisequi n’a rien à envier au réalisme esthétique des pays socialistes, comporte six éléments répartis de part et d’autre de l’entrée d’honneur de l’Hôtel de Ville.
La frise sous l’attique est une véritable bande dessinée en six tableaux, une sorte de retable profane. Les personnages plus grands que nature, placés dans leur cadre de travail, avec leurs outils et vêtements, contrastent avec les classiques figures allégoriques du fronton.
Alphonse Amédée CORDONNIER qui vécut aux Etats-Unis et s’intéressa au travail textile, cisela les trois premiers éléments : la récolte du coton et la tonte des moutons, le lavage et le peignage et la filature. Léon FAGEL s’attaqua aux trois tableaux suivants : le tissage, la teinture et les apprêts et la manutention finale.
Chacun des personnages (la frise en comporte une petite quarantaine au total) mesure près de 2,40 mètres de hauteur. C’est dire l’aspect monumental de cette œuvre destinée à immortaliser le passé laborieux de notre ville ainsi que l’industrie qui lui procura sa richesse en dépit de tous les problèmes sociaux qui apparurent dès son apparition.

Les 3 premiers tableaux de la frise © B. Catrice

 

1. La récolte du coton et la tonte des moutons :A gauche de l’élément, une femme noire cueille du coton. Près d’elle, trois autres personnages dégagent la toison d’un agneau avec une tondeuse mécanique. A l’extrême droite, un dernier personnage de pierre fixe au crochet d’une grue, une balle de laine qui sera placée dans la cale d’un bateau à destination de la France.
2. Le lavage et le peignage : Parvenue à Roubaix, la laine est soumise à différents traitements. Le sculpteur Cordonnier évoque le lavage de la laine. Le panneau met en scène une lisseuse, des ouvriers et un empaqueteur aux biceps saillants sur la gauche qui emporte les « rubans » vers la filature.
3. La filature : Sur le dernier panneau de Cordonnier, apparaît au centre un métier à filer. Un fileur s’y active tandis qu’un ouvrier fixe une bobine. A gauche, deux autres fileurs transportent des canettes depuis des paniers en osiers jusque dans des chariots également en osier. A droite, un cinquième ouvrier, apparemment impassible, soulève sur ses épaules un lourd fardeau.
4. Le tissage : Le premier panneau de la série de Léon Fagel illustre le tissage. On y voit des femmes et des enfants au travail. Deux ouvrières s’affairent près du moulin à ourdir et préparent la chaîne. Au centre, le tisserand surveille la marche de son métier en activant sa pédale tandis qu’un jeune aide lui apporte des canettes dans un panier d’osier. Sur la droite, un ouvrier retire une pièce de drap achevée sur un rouleur.
5. La teinture et les apprêts : Le second panneau ciselé réunit un cartonneur qui tient une pièce de tissu se déroulant le long d’un plan incliné. Il est aidé en cela par un apprenti se trouvant à l’arrière plan. Plus loin, un teinturier sort d’un baquet une pièce d’étoffe. Près de lui, à l’aide d’une louche, son assistant puise de la teinture dans un tonneau pour qu’il puisse vérifier le ton de la préparation. Enfin, à gauche, deux manœuvres retirent des écheveaux d’une cuve et l’emportent à l’épaule.
6. La manutention finale : Le dernier tableau représente la phase finale du traitement du tissu. Sur la gauche, deux hommes de peine ficellent une pièce et serrent les liens. Derrière eux, un contremaître prend note des références du ballot. Au centre, une femme examine les écheveaux afin de constater leur état. Le tissu ne sera expédié que s’il est sec et de bonne qualité. A droite, se trouve un homme poussant un diable qui recevra les colis à expédier.
• Au-dessus du porche central, un autre sculpteur participa à la décoration de l’édifice. Hippolyte LEFEBVRE qui plaça, de part et d’autre des armoiries de la ville, deux statues de 4,80 mètres de hauteur.
H. LEFEBVRE qui fut, à son époque, l’un des maîtres de l’Ecole française, a ciselé ces deux allégories qui donnent au fronton central de la mairie, un superbe équilibre : à droite, l’ABONDANCE tient dans les plis de sa robe des fruits et des fleurs ; à gauche la PAIX, tient dans sa main un rameau d’olivier. 

élément central. © EG

Thierry DELATTRE
Administrateur de la Société d’Émulation de Roubaix
Conservateur des Archives Municipales de Roubaix 

L’Hôtel Pierre Catteau

Les origines de Pierre CATTEAU

Pierre, Antoine, Louis Catteau est né le 16 mai 1820 à Comines. Il est le fils de Pierre Catteau et d’Henriette Lawick. Il est issu d’une famille de fabricants de rubans. Son aïeul, Charles Catteau avait créé son entreprise de ruban en fil de lin au milieu du 18e siècle.

En 1788, il y employait 44 ouvriers. Pierre Catteau termina à Boulogne-sur-Mer des études qu’il avait commencées au Collège des Jésuites de Brugelette. Il arriva en 1844 à Roubaix et créa son entreprise rue de la Fosse-aux-Chênes. Il s’orienta vers des tissus chaîne-soie qui remportèrent un vif succès. Doué d’un goût très sûr, ses produits étaient de véritables merveilles de dessins et de coloris. Cela expliqua le constant essor de sa fabrique.

En 1869, le registre des patentes nous apprend qu’il est taxé au maximum pour son tissage du 30, de la rue de la Fosse-aux-Chênes. Il y était associé à ses frères : Charles et Louis qui résidaient à Comines et Adolphe qui demeurait à Roubaix. Pierre Catteau, quant à lui, habitait au 41, rue du Grand Chemin.

En 1885, pour cause d’extension, son tissage se situait au 121, rue du Grand Chemin, une filature de 8.800 broches lui était adjointe. Cette filature lui appartenait en propre. En ce qui concerne le tissage, il restait associé à ses frères. En plus, il était associé à Edouard BODIN, demeurant au 30, rue Nain, au sein d’un tissage de plus de 200 métiers situé au 52, rue Saint Maurice. Quant à son frère Adolphe, toujours en 1885, il était à la tête d’une retorderie de 3.550 broches et d’un tissage boulevard d’Armentières ainsi que d’un second tissage comprenant 73 métiers à bras pour tissus d’ameublement au 15, rue de la Chapelle Carrette.

Plusieurs distinctions…

Les mérites de Pierre Catteau lui valurent de recevoir de nombreuses distinctions. En 1862, il reçut une mention honorable à l’exposition de Londres. En 1867, à Paris, il obtint une médaille d’argent. En 1873, le jury de l’Exposition universelle de Vienne lui décerna une médaille de progrès, sa plus haute distinction. L’année suivante, un décret du 27 juillet le nommait Chevalier de l’Ordre de la Légion d’honneur pour « services rendus à l’industrie ». Enfin, en 1878, il obtint à Paris la médaille d’or.

L’Hôtel particulier de Pierre CATTEAU

Pierre Catteau se fit construire au 45, rue du Grand Chemin son Hôtel particulier. Nous savons qu’il habitait dans cette rue depuis au moins 1869. Les archives municipales possèdent le plan, daté du 15 avril 1876, d’un terrain d’une surface d’un hectare vingt neuf ares qui s’étendait entre la rue des Fleurs et la rue du Grand Chemin. C’est sur ce terrain acheté peut-être à ce moment là qu’il décida de faire construire son hôtel particulier agrémenté d’un grand parc.

Square Catteau ©D. Toussaint

Le même architecte que pour le parc de Barbieux…

Pour l’habitation, il s’adressa au grand architecte roubaisien Edouard Dupire-Rozan (1844-1901). Ce dernier lui proposa plusieurs projets : c’est le projet d’un hôtel bâti entre cour et jardin avec deux ailes en retour sur la cour qui fut choisi. Pour le parc, l’architecte Georges Aumont fut consulté, les archives possèdent une étude signée de lui, datant du 19 mai 1878. Le parc tel qu’il est réalisé est la réplique de ce projet, il est donc très probable que Georges Aumont en soit l’auteur. Cela expliquerait la ressemblance avec le Parc Barbieux tracé à la même époque par ce même architecte. Il semble que le parc ait été terminé en 1880 car, le 19 août eut lieu une grande fête dans les jardins, fête relatée par la presse.

En ce qui concerne la maison, en 1880, elle n’est pas entièrement achevée puisqu’en avril 1883, le dallage sur le jardin est en projet et qu’en septembre 1884, les épis de faîtage de la toiture sont encore à l’étude. L’architecte Edouard Dupire construisit pour Pierre Catteau un Hôtel particulier très inspiré de la Renaissance. L’Hôtel ne possède qu’un étage et est surmonté de hautes toitures d’ardoises. Les matériaux utilisés sont la brique et la pierre. La façade sur cour est très ornée. Elle se compose d’un avant-corps central, entouré de façades latérales légèrement en retrait. On accède au portail d’entrée par un perron. Cette porte d’entrée est surmontée d’un fronton interrompu orné d’un angelot. De chaque côté nous trouvons un oculus.

De part et d’autre de cet avant-corps central tout en pierre, la façade est percée de quatre hautes fenêtres séparées par des pilastres ioniques à bossage. Au premier étage, la baie centrale est entourée de deux niches qui devaient abriter des statues n’existant plus actuellement. De part et d’autre, l’étage ne possède qu’une seule baie pourvue d’une balustre. Au-dessus on trouve un fronton triangulaire interrompu par une lucarne ornée d’un fronton curviligne.

Ce bâtiment se prolonge vers la cour par deux ailes à deux étages où l’on retrouve l’usage des pilastres à bossage. Si l’Hôtel en fond de cour était réservé à l’habitation de Pierre Catteau, les deux ailes servaient, au rez-de-chaussée, de remise et d’écurie et les étages abritaient le personnel. Deux porches ornés d’une tête de cheval assurent la jonction avec le bâtiment en front à rue.

Un parc comme un havre de paix

L’histoire du bâtiment sur rue est complexe. Il est possible qu’il soit antérieur à la construction de l’Hôtel particulier et qu’il n’a été que modifié, rhabillé par Edouard Dupire. Ce bâtiment abritait très probablement les bureaux et les magasins de l’entreprise de Pierre Catteau. La façade sur rue est crépie. Les fenêtres du rez-de-chaussée sont rectangulaires, celles du premier étage sont en plein cintre, celles du second étage possèdent un arc surbaissé orné d’un claveau saillant. Neuf lucarnes surmontées d’un fronton triangulaire et deux oculi s’inscrivent dans la pente du toit. Un grand porche monumental permet d’entrer dans la cour.

Intéressons-nous maintenant à la façade sur jardin qui est également très ornée. La façade reprend la structure d’un avant-corps central entouré de deux façades latérales. L’avant-corps central est surmonté d’un toit pentu orné d’une lucarne à balustre dont les montants sont décorés d’atlantes. Au rez-de-chaussée, les portes-fenêtres s’ouvrent sur une grande terrasse. Il est d’ailleurs à noter que le Trichon sous sa voûte longe cette terrasse.

Au premier étage, au-dessus des baies bigéminées, nous trouvons un cartouche où s’inscrit le monogramme PC, monogramme que nous retrouvons dans de nombreuses pièces à l’intérieur de la maison.

Pour ce qui est du parc, un réseau d’allées sinueuses entoure un plan d’eau où, de nos jours, barbotent quelques canards. La végétation qui a atteint sa maturité a pris un aspect majestueux qui donne à ce parc un rôle de havre de paix dans le quartier. Le long de la rue Rémy Cogghe, où se trouve actuellement l’aire de jeux pour les enfants, s’élevait à l’origine une orangerie.

A une certaine époque, le parc possédera un kiosque à musique, les archives en possèdent les plans datés de 1881. Ce kiosque, qui enjambait le plan d’eau, a actuellement disparu.

 

Docteur Xavier Lepoutre

Vice-Président de la Société d’Emulation de Roubaix

Les résidences du Parc

Le temps des années glorieuses et de la renommée industrielle mondiale de Roubaix a laissé des traces durables en matière d’architecture et d’urbanisme. Témoins de ce passé glorieux, les Résidences d’Armenonville et de Marly se dressent avec fierté, aux abords du Grand Boulevard, et prolongent par leur aménagement et le traitement de leur environnement le Parc de Barbieux.

Conçues en 1957 par Guillaume Gillet, Guy Lapchin et Pierre Ross, dans le cadre du projet d’aménagement du Grand Boulevard, ces résidences constituent un groupement de logements collectifs privés, inscrit au registre des quartiers résidentiels de Roubaix. Elles s’intègrent dans un ensemble paysager qui les rend indissociables l’une de l’autre et offrent des qualités architecturales et urbanistiques assez peu communes pour l’époque.

 

 

 

 

Un site et une architecture privilégiés

Destinées à accueillir une population aisée, les résidences d’Armenonville et de Marly jouissent d’une implantation privilégiée. Elles sont séparées de la chaussée par une enfilade de platanes, les lignes de tramway et une voie mixte de desserte.

Réalisées en 1958, elles témoignent d’une importante innovation en matière d’urbanisme. Elles sont spatialement organisées dans un rectangle semi-clos, formé par deux « L » symétriquement opposés et ouvrent l’espace sur la ville en brisant l’alignement du Grand Boulevard.

Cette innovation est mise en évidence par le jeu architectural subtil de l’ensemble. Chaque résidence se compose de deux échelles et deux typologies de bâtiments. La première, par son imposante hauteur de onze étages, avec RDC, représente l’élément principal de l’opération. Elle s’érige en barre, perpendiculairement au boulevard et contient le plus grand nombre de logements. La seconde de moindre hauteur, est perçue comme une « barrette » à deux étages sur RDC. Elle vient rappeler le front à rue et clore partiellement la parcelle.

L’interpénétration de ces deux unités brise l’image imposante de la « grande barre » de logements et noue le rapport classique de l’alignement au boulevard. Cette qualité du travail architectural ouvre la parcelle sur la ville, en intégrant l’identité paysagère du Parc de Barbieux dans un domaine privé.

Jeux de façades

En remontant le Grand Boulevard qui longe le Parc de Barbieux, l’œil découvre les façades des deux barres principales, chapeautées par une couverture presque plane et légèrement cambrée.

Les immeubles, constitués par une ossature en béton armé, présentent sur les murs extérieurs suivant les plans de façade, un parement de grès-cérame ou de béton armé apparent. Les rez-de-chaussée constitués de libres pilotis allègent le corps du bâtiment. L’espace au sol ainsi créé devient un lieu de passage distribuant les halls d’entrée, qui participe pleinement à la composition paysagère. Les façades laissent apparaître la structure du bâtiment d’un léger épaulement. Celles d’entre-elles qui sont les mieux exposées à la lumière, au sud-ouest, sont structurées en alternance par des fenêtres réglées sur allèges à l’horizontale et des baies vitrées toute hauteur. Placées en fond de loggias ou en balcons en façades-pignons, ces baies ouvrent sur les pièces de vie, cherchant à leur donner le maximum de clarté. Les façades arrière, au nord-est, se composent quant à elles, dans le plan vertical, d’allèges et de fenêtres réglées à l’horizontale qui se superposent les unes aux autres sur un même nu. Les circulations verticales marquent et dénotent l’homogénéité de ces façades par le glissement de cette superposition sur un demi-niveau. Ces compositions apparaissent comme le remplissage d’une grille par endroits semi-occultée (chambres), vitrée (pièces de vie) ou vide (rez-de-chaussée). Le décollement de la toiture des barres principales contribue à alléger la perception de rigidité conférée par leur structure et donne lieu, au dernier étage, à des appartements panoramiques.

 

Conçus comme une série de villas mitoyennes, les hôtels particuliers s’inscrivent dans les petites « barrettes » situées au pied des grands immeubles. Ils ont pour caractéristique de s’aligner comme des casiers sur deux étages montés sur pilotis. Cette morphologie particulière des bâtiments offre à ces logements de vastes loggias en enfilade, côté sud, et rythmé de verticales filantes de claustras en béton ajouré, côté nord.

Jouxtant les portiques, les halls d’entrée sont surmontés d’un emmarchement d’honneur. Ils assurent le socle des circulations verticales et donnent ainsi l’impression d’être autonomes par rapport à la façade. Un pan de verre, sur toute la hauteur, laisse apparaître la découpe de la porte. Seul élément visible de cette surface transparente, la poignée de cuivre flotte littéralement dans l’espace. La qualité de l’aménagement et du traitement des matériaux des halls d’entrée indique clairement le caractère privatif de l’ensemble.

Cohérence architecturale et paysagère

Cernée de murets de pierre, la Résidence d’Armenonville surplombe le boulevard en léger dénivelé et s’en détache harmonieusement. Le résident peut y accéder à pied directement depuis le boulevard, en empruntant un escalier d’une dizaine de marches. L’accès à la résidence Marly se fait quant à lui par un cheminement en bitume, à travers la haie basse de clôture puis la pelouse. Le parking, noyé dans le paysage, s’intègre pleinement au projet et conserve son identité privative. Afin de préserver le caractère résidentiel de l’opération, les architectes ont manifestement tenu à marquer d’une forte cohérence les traitements architecturaux et paysagers.

Les aménagements paysagers des résidences participent à l’ensemble du projet et entrent en résonance avec la structure même des bâtiments qu’ils desservent le sol est traité de façon à ce que le piéton passe du bitume à la pelouse pour arriver ensuite sur les dalles en béton de cailloux. Il se retrouve alors sous le bâtiment et découvre l’espace central sans que sa vue soit entravée par la masse des bâtiments. Elle effleure les halls d’entrées et file entre les portiques pour se plonger dans le jardin, situé au cœur de l’îlot. Cet espace est traité de la même façon que l’ensemble de l’aménagement paysager qui associe les surfaces minérales et végétales.

Ce lieu de promenade s’agrémente d’arbres, de schiste, de verdure, d’un bac à sable cerné de haies et de petits murets de pierre, le tout parsemé de massifs de rosiers. Le jardin offre aux résidents un véritable parcours de détente préservé des nuisances de la ville par les bâtiments qui l’entourent.

Une approche nouvelle de l’habitat collectif

Les logements des Résidences répondent aux critères de confort et de bien-être recherchés par une certaine catégorie de résidents. Organisés en studios, duplex ou appartements avec chambre de bonne attenante à la cuisine, ils proposent des pièces spacieuses et lumineuses. Un hall d’entrée et un office ont été pensés dans la réalisation de chaque logement. Leurs dessertes s’effectuent par ascenseur, escalier et monte-charge.

L’accès aux hôtels particuliers s’effectue par le hall d’entrée, situé au rez-de-chaussée, qui s’ouvre en contrebas sur l’escalier de la cave attenant à la chambre de bonne. Un escalier montant permet d’accéder aux pièces des étages supérieurs (cuisine, séjour, chambres) et aux loggias.

L’argumentaire employé dans la plaquette commerciale d’origine insiste nettement sur ces aspects de confort et de bien-être qui font la différence : « tous les appartements de cet ensemble sont équipés d’un chauffage collectif par le sol et d’installations sanitaires de premier choix. Un vitrage double ou un vitrage triple, selon les cas, assurent d’autre part aux logements une isolation thermique et phonique de très haute qualité »… tout au moins à l’époque de leur construction.

Par le jeu sur la transparence et la luminosité des espaces intérieurs et extérieurs, par le travail réalisé sur les bâtiments en osmose avec le site paysager, les architectes ont su instaurer le désir d’une approche nouvelle de l’habitat collectif. Renforcer le sentiment d’autonomie et d’intimité des habitants au sein de la collectivité, tout en leur donnant le plaisir de l’espace, tel paraît avoir été le désir et l’objectif de Guy Lapchin et Guillaume Gillet en réalisant ce projet.

 

 

Trente ans plus tard, les thèmes de confort et de bien-être qu’ils développent restent d’actualité et semblent être toujours recherchés dans la réalisation de logements collectifs non réservés à une classe sociale élevée. Dans ces conditions, l’accès au « confort à loyer modéré » peut sembler un pari fou. D’illustres figures de l’architecture ont pourtant défendu activement ces valeurs de qualité de vie et d’esthétique pour tous. Sans doute inspirés par les idées de Le Corbusier, Guy Lapchin et Guillaume Gillet s’inscrivent dans le sillage de l’architecture moderne avec un raffinement réservé ici à un public autrement privilégié.

Christophe Vanhalst

École Nationale d’architecture de Lille

           

Le gymnase

La construction de cette salle en 1876 et 1877 selon les plans de l’architecte COLIEZ fait suite à une décision du Conseil municipal désireux de doter la ville d’un gymnase, afin d’y accueillir les écoles de Roubaix. Occupée en 1906 par « La Roubaisienne » créée le 14 juillet 1875 et qui prendra en 1882 le titre de Société municipale de Gymnastique et de Tir « La Roubaisienne », elle est actuellement aménagée en salle de spectacles.

Le bâtiment témoigne de l’architecture fonctionnelle de la fin du 19e siècle avec son ossature toute en courbes et ses galeries aux décorations surprenantes comme les gueules de lion portant des haltères dans leurs crocs. 

C’est lors de ses séances des 31 mars et 7 juillet 1876, que le Conseil municipal vote la construction d’un gymnase municipal destiné aux enfants des écoles primaires, cette décision est approuvée par la préfecture du Nord le 3 août 1876.

Ce gymnase doit être édifié rue de la Promenade (rue du Général Chanzy actuelle) sur une parcelle de 34 mètres de long sur 25,6O mètres de large. Ce terrain est occupé, pour la plus grande partie par le jardin potager des Frères de la Doctrine chrétienne, le reste étant occupé par des maisons en très mauvais état qui appartiennent à la ville de Roubaix.

Le projet se divise en trois parties : le gymnase proprement dit, la maison d’habitation du professeur et la cour. Le gymnase couvre au fond de la parcelle une surface à peu près rectangulaire de 25,60 mètres de longueur sur 18,50 mètres de large. Il se compose d’une salle unique bordée sur tout le pourtour de galeries laissant au centre un espace libre. Les murs de face et les pignons sont en maçonnerie de brique avec revêtement de pierre de Soignies pour celui donnant sur la cour. La toiture est supportée par des fermes en charpente correspondant aux poteaux des longs côtés. La maison d’habitation du professeur et ses dépendances occupent sur le côté gauche, entre le gymnase et la rue un trapèze de 16,50 mètres de long sur 6,50 mètres de largeur. La cour occupe la partie restante du terrain, elle est fermée sur la rue par un mur de brique avec un soubassement en pierre de Soignies, orné de pilastres et de quelques pierres de taille blanche, au milieu de ce mur se trouve une grande porte où les élèves entrent au gymnase. Il est stipulé aussi que : « la cour de faible dimension ne doit pas servir à des exercices et ne recevra aucun appareil, toutes les leçons devant se donner dans la salle affectée à cet usage ».

L’ensemble de la dépense est estimée à 29.000 francs. L’adjudication des travaux a lieu le 24 août 1876 à 11 heures. Ce sont les sieurs Decraene et Dumortier qui sont adjudicataires des travaux. A sa séance du 17 mai 1877 et à la suite d’une requête de monsieur Braquet, professeur de gymnastique, le Conseil municipal vote un crédit supplémentaire de 2.400 francs pour l’acquisition du mobilier nécessaire à l’équipement du gymnase. La réception définitive des travaux du gymnase a lieu le 4 août 1878. Le décompte exact des travaux du gymnase s’élève à la somme de 34.193,70 francs.

Le 20 août 1884, M. Buisine, Conseiller municipal, demande qu’une partie du jardin de l’école de la rue du Moulin, qui s’étend derrière le gymnase, soit transformée en une cour pour les élèves du gymnase. Il y est question d’y effectuer des exercices de tir, deux cibles Flobert devant y être établies. Mais il faut attendre le 3 décembre 1886 pour que le Conseil municipal vote l’appropriation d’une bande de terrain de quatre mètres sur le jardin de l’école et un tir est installé au gymnase municipal. Le 19 janvier 1894, une somme de 5.000 francs est votée pour la réfection de la toiture des bas-côtés.

En février 1906, il est décidé d’effectuer des travaux afin d’isoler complètement le gymnase de l’école de la rue Chanzy et le 16 novembre de la même année, le Conseil municipal décide de louer le gymnase à la société de gymnastique « La Roubaisienne » pour une durée de quinze ans, moyennant un loyer nominal d’un franc par an. « La Roubaisienne » n’aura d’autres charges à supporter que celles résultant des réparations extérieures locatives de l’immeuble, les impôts, taxes, assurances seront payés par la ville. La maison d’habitation est attribuée à M. Piesvaux, son Chef de gymnastique.

 

SOCIETE SPORTIVE « LA ROUBAISIENNE »

En ce qui concerne « La Roubaisienne », cette société sportive a été fondée le 14 juillet 1875 sous le nom de « Société de gymnastique de Roubaix », elle ne prendra le nom de : « Société municipale de Gymnastique et de Tir La Roubaisienne » qu’en 1882.

Cette société connaît son heure de gloire au tournant du siècle : en 1900, « La Roubaisienne » remporte, outre le prix de gymnastique, le championnat de France d’athlétisme et exécute une démonstration devant le Président de la République, ce qui fait dire que « La Roubaisienne est le plus beau fleuron de l’Union des sociétés de gymnastique de France ». En 1914, le Président d’honneur de la société est  G. Wattinne et son président actif Alfred Motte.

Le but de la société est : « de propager le goût pour les exercices du corps, de développer la force, l’adresse et le courage afin de faire des hommes vigoureux, en un mot de préparer pour le pays des hommes vaillants ». Jusqu’en 1995, le gymnase de la rue Chanzy reste dévolu à « La Roubaisienne » qui y a son siège, cependant la société n’utilise plus que très rarement cette salle, ayant redéployé ses activités dans la salle des sports de la rue Watt. De ce fait, la municipalité décide d’allouer la salle à la troupe de théâtre « Théâtre en Scène », cette troupe étant à l’étroit dans les locaux de la salle Pierre de Roubaix. L’inauguration de la salle réaffectée au théâtre a lieu en novembre 1995.

Visitons maintenant cette salle. Le mur de façade sur la rue a été abattu et il nous faut traverser une petite cour goudronnée entourée d’une haie de troènes. Le mur de façade est percé de quatre portes et de sept oculi qui éclairent la galerie. A l’intérieur, la salle est rectangulaire, son plafond est constitué d’une voûte en berceau tapissée de bois. Cette voûte repose sur six fermes métalliques qui prennent naissance sur des poteaux qui ménagent cinq travées dans le sens de la longueur. Toutes ces structures métalliques sont recouvertes de bois.

Une galerie court au premier étage autour de la salle. Cette galerie était primitivement réservée aux spectateurs, des gradins y étant installés. Chaque travée est décorée d’un motif constitué d’une gueule de lion serrant entre ses mâchoires une haltère. Une balustrade de bois clôt cette galerie. Toujours au niveau de la galerie, à une extrémité, de grandes baies vitrées ménagent une salle dont les murs sont tapissés de hautes vitrines qui contenaient les très nombreux trophées de « La Roubaisienne ». La salle est éclairée par deux grands oculi percés dans les deux pignons ainsi que par trois lanterneaux au niveau du plafond.

La Direction régionale de l’Action culturelle a reconnu l’intérêt architectural de cette salle unique en son genre et l’a proposé pour une inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 7 mars 1997, cette décision a été approuvée par un arrêté préfectoral du 12 mai 1997.

La structure « Danse à Lille » s’installe au Gymnase en 2003 et devient le Centre de Développement Chorégraphique (CDC). La structure propose une saison de spectacles qui accueille chaque année une quarantaine de compagnies de danse contemporaine et deux festivals sont organisés tous les ans ainsi que des cours et des stages.

La salle a été l’objet d’une rénovation soignée de juin 2005 à septembre 2006 ce qui a permis de conserver l’esprit d’origine du bâtiment tout en l’adaptant à ses nouvelles fonctions.

Docteur Xavier Lepoutre

Vice-Président de la Société d’Émulation de Roubaix

L’Hôtel Lepoutre

 

On n’a jamais retrouvé le permis de construire de construire de cet Hôtel, pas davantage le nom de son architecte. C’est l’industriel Amédée Prouvost qui l’a fait édifié au 36, de la rue Pellart (aujourd’hui avenue des Nations-Unies). C’est en effet en 1868 qu’Amédée Prouvost, créateur en 1851 du Peignage Amédée Prouvost et Compagnie, déménage du 1 Grand’Place au 36 de la rue Pellart.

Ce déménagement est très certainement en rapport avec les travaux d’agrandissement de la Grand’Place qui entraînent la démolition d’un certain nombre d’habitations. Nous n’avons pas retrouvé le permis de construire du 36 rue Pellart mais il est presque certain qu’il a été édifié par Amédée Prouvost lui-même. Seule a été retrouvée une demande de raccordement à l’aqueduc municipal en date du 19 avril 1872.

Cet Hôtel particulier est bâti entre cour et jardin. En front à rue s’élève un bâtiment à un seul étage réservé aux communs. Un grand porche dont l’aspect a dû être modifié permet d’accéder à la cour. L’imposte sur la cour de ce passage est orné d’un beau fer forgé.

Dans la cour, la façade principale se dresse devant nous. Le perron semi-circulaire est garni de balustres, quatre colonnes monolithes supportent une saillie de la façade, elle aussi semi-circulaire, percée de trois baies séparées par des pilastres. Chaque baie est surmontée par un motif de stuc. De chaque côté de cette avancée, la façade est rythmée par deux travées de fenêtres.

Au-dessus du premier étage, le comble est garni de lucarnes. Le bâtiment central se prolonge légèrement par deux petites ailes en retour de chaque côté de la cour. Sur le côté gauche, une galerie ouverte au rez-de-chaussée assure la liaison avec le bâtiment front à rue.

 

UN ORATOIRE AU PREMIER ETAGE

A l’arrière et sur le côté droit, s’étend le jardin, bien rétréci ces dernières années par la construction d’une résidence d’étudiants. A l’intérieur, au rez-de-chaussée, un grand hall permet d’accéder au fumoir et aux différents salons qui donnent sur le jardin.

A l’extrémité du hall s’élève un escalier qui permet de gagner le premier étage. Là, un autre hall dessert les chambres. Au fond, s’ouvre un oratoire.

C’est dans cet hôtel que meurt Amédée Prouvost le 11 décembre 1885, ce sera sa veuve, née Joséphine Yon, qui l’habitera ensuite jusqu’à son propre décès en 1902. Puis l’hôtel est loué à Monsieur et Madame Auguste Lepoutre dont les usines s’étendent en face.

Après la Première Guerre mondiale, il est acheté par la « Société Immobilière des fils d’Auguste Lepoutre». Après la Seconde Guerre mondiale, l’hôtel est transformé en commissariat de police jusqu’à son déménagement pour le boulevard de Belfort. Il sera ensuite occupé quelques années par une annexe du lycée Saint Martin. Depuis 1993, c’est l’A.R.A. (Ecole de musique de rock) qui en a pris possession.

 

PROTEGE PAR LES MONUMENTS HISTORIQUES

A côté, le numéro 34 a été bâti en 1872 par M. Henri Lestienne, époux d’Antoinette Prouvost. C’est un Hôtel en front à rue qui s’ouvre par une grande porte cochère. Cette construction s’imbrique dans l’Hôtel d’Amédée Prouvost, d’ailleurs les deux cours communiquent. Au fond de la cour du numéro 34 s’élève un charmant pavillon de jardin. Ce numéro 34 sera habité en 1885 par Monsieur et Madame Wibaux-Motte, puis, quelques années plus tard, par Edouard Prouvost qui l’occupe. A partir de 1910, le Syndicat des peigneurs de laine s’y installe jusque dans les années soixante.

Pour en revenir au n° 36, cet hôtel est un des rares exemples d’Hôtel particulier entre cour et jardin bâti sur Roubaix. Il se devait d’être conservé dans son intégralité. En 1997, la COREPHAE avait reconnu l’intérêt architectural de cet Hôtel en acceptant de le protéger par une inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques car ce bâtiment est : « un exemple intéressant d’Hôtel d’industriel entre cour et jardin, ayant conservé des dispositions intérieures et décoratives originales… ».

Docteur Xavier Lepoutre

Vice-Président de la Société d’Émulation de Roubaix

Le Racing-club de Roubaix

En 1885, quelques jeunes Roubaisiens, amateurs des sports de plein air qu’ils avaient connus au cours de leurs études en Angleterre, avaient pris l’habitude de se réunir pour jouer au « Crickett ». Ils pratiquaient cette discipline sur un vaste terrain où l’on devait construire quelques années plus tard l’Hospice Barbieux.
Parmi ces jeunes sportifs, on trouvait : Henri et Albert WAELES, Henri HAZEBROUCKQ, Maurice DUBLY, Henry LESUR et d’autres. Ils complétaient leurs parties de cricket par des concours de courses à pied disputées entre eux. Ils avaient donné à leur groupe le nom de « Batting-Club ». Cependant la durée de cette formation fut de courte durée. Elle cessa de fonctionner au bout de deux années.
Quelques années plus tard, en 1892, les mêmes jeunes gens auxquels se joignirent des amis de leur âge, tels que Léon SALEMBIEN, Louis FLORIN, Léon DUBLY, Emile et Ernest LESUR, Georges DANSETTE formèrent un nouveaux groupe sportif qu’ils appelèrent « French-Club de Roubaix-Tourcoing ». Ils jouaient au « Football-Association » et aussi le « Foot-Rugby » et organisaient des compétitions avec les « Crusaders » anglais de Croix, club présidé par Monsieur John CROTHERS, patronné par la firme Holden, important peignage de laine installé à Croix.
Les « matches » se déroulaient sur un terrain situé près de la gare de Croix-Wasquehal. Par la suite, ils opérèrent sur une prairie dépendant de la ferme Binet à proximité de la rue de Roubaix à Tourcoing.
En 1895, nos jeunes sportifs décidèrent de se donner une structure plus importante et le « French-Club » fut dissous pour être remplacé, au cours d’une réunion qui se tint le 2 avril 1895 à la Brasserie « La Terrasse », 13, rue de la Gare (actuellement avenue Jean-Baptiste Lebas) à Roubaix, par un groupe auquel ils donnèrent le nom de « Racing-Club roubaisien » sans doute influencés par la notoriété du Racing-club de France leur éminent devancier.
Parmi les fondateurs du club roubaisien, on comptait : Henri LESUR, Henry HAZEBROUCK, Ernest LESUR, Louis LAGLAIS, Valéry WAELES, Walter STURMFELS, Fernand WELCOME, Maurice DUBLY, Gaston WELCOME, Albert WAELES, Ernest WELCOME. Quelques membres de la première heure, compagnons du Batting-club s’étaient excusés mais se déclaraient disponibles pour participer aux activités.
Les dirigeants furent désignés et l’on nomma pour président Henry LESUR, pour secrétaire Valéry WAELES, pour responsable du matériel Ernest LESUR. On mit à la tête de l’organisation de l’équipe de football Albert WAELES et Maurice DUBLY fut choisi comme chef d’équipe pour la course à pied. Le « Racing-Club  roubaisien » était né, son histoire allait être jalonnée de succès.
L’ambition des fondateurs était de créer un club « omnisports » et c’est ainsi que, quelques semaines seulement après cette réunion constitutive, les dirigeants décidèrent l’achat du matériel nécessaire à la pratique du lancement du poids, puis de former une section de boxe, une autre de chausson, en 1895 une équipe de lutte à la corde, en 1897, le saut à la perche puis le tennis.
Tous ces sports étant considérés avec la course à pied comme devant favoriser le développement athlétique des membres de l’équipe de football qui restait le principal atout du club. La réputation du Racing-Club grandissait rapidement.
Multipliant les compétitions, non seulement contre les « Crusaders » de Croix, devenus des amis plus que des voisins, mais aussi avec le « Football Club Brugeois », le « Sporting Club Bruxellois » et même le « Racing Club de France » rencontré d’abord le 7 février 1897 à Roubaix où il est battu par cinq buts à quatre, puis en match-retour le 28 février suivant à Paris où, à la surprise générale, Roubaix est à nouveau vainqueur par trois buts à un. Ces beaux résultats permettaient au Racing Club roubaisien de prétendre à une place dans les compétitions régionales et nationales.
Dans le même temps, le club multipliait les concours de course à pied ; ses champions y obtenaient des résultats excellents et s’y distinguaient les mêmes athlètes qui portaient ses couleurs dans les équipes de football.
Cette intense activité sportive exigeait des locaux et des terrains pour l’évolution des athlètes. Il fallait aussi un stade pour les compétitions attirant le public ; celles-ci se déroulaient généralement au Vélodrome roubaisien situé en fait sur le territoire de Croix, installation qui a vu se produire outre les cyclistes pour lesquels il avait été édifié toutes sortes d’épreuves : courses à pied souvent présentées en intermèdes lors des courses de vélo, lutte à la corde, sports athlétiques, etc. et bien entendu le football, sans oublier les célèbres courses de taureaux.
Les dirigeants feront cependant appel aussi à l’hospitalité des Wattrelosiens en particulier pour le match contre le Football Club Brugeois le 29 mars 1896 qui se déroulera sur le Champ de Course de Wattelos.
Les entraînements se faisaient au mieux des possibilités parfois même en ce qui concerne la course à pied dans les allées du Parc de Barbieux, tandis que le football utilise tantôt un terrain vague situé Croix près de l’usine Holden, ou un autre toujours à Croix, rue de la Gare, et une prairie de la propriété d’Eugène Motte, rue Verte. Par la suite, le Racing devait aménager rue de Beaumont un terrain destiné d’abord au tennis mais où on installera également des pistes pour les sports athlétiques.
Les réunions et assemblées du Comité directeur et des membres se faisaient à la brasserie « La Terrasse » citée plus haut, ceci jusqu’en 1899 date où le siège de l’association fut transféré à l’Hôtel Ferraille (devenu le Grand Hôtel, avenue J.B. Lebas). A ce moment, le club compte 110 membres actifs et environ 200 membres « protecteurs » (nous dirions aujourd’hui les « supporters »).
En 1990, le Racing Club roubaisien avait atteint une pleine maturité et s’était enrichi de sections supplémentaires : tir, water-polo, gymnastique, cross-country et une section scolaire destinée à préparer la relève. Cette année-là, il avait engagé trois équipes dans le Championnat du Nord de Football dont il devait sortir pour la première fois vainqueur durant la saison 1900/1901.
LE FOOTBALL PROFESSIONNEL A ROUBAIX DE 1932 A 1963
La création du football professionnel en France ne date que de 1932, il ne faut donc pas chercher avant cette date des traces de « pro » dans nos archives roubaisiennes. En 1932 se crée le championnat de France Professionnel où apparaît l’Excelsior Athlétic club de Roubaix, constitué en 1928 de la fusion entre le Football club de Roubaix qui jouait sur les terrains du stade Amédée Prouvost inauguré en septembre 1927 et de l’Excelsior club de Tourcoing, subventionné par les Etablissements Charles Tiberghien de Tourcoing.
L’Excelsior est donc né d’un accord entre les dirigeants de deux clubs fortement soutenus par le textile de Roubaix-Tourcoing. Son palmarès au Championnat de France est le suivant :
Saison 1932-33             6e    place         Division 1
Saison 1933-34             5e    place         Division 1
Saison 1934-35             8e    place         Division 1
Saison 1935-36             9e    place         Division 1
Saison 1936-37             8e    place         Division 1
Saison 1937-38             6e    place         Division 1
Saison 1938-39             13e  place         Division 1
Le Racing-Club de Roubaix, fréquemment appelé « Club Doyen » car il est le plus ancien créé à Roubaix, adhéra au professionnalisme en 1933. Son palmarès au Championnat de France est le suivant :
Saison 1933-34             6e    place         Division 2
Saison 1934-35             4e    place         Division 2
Saison 1935-36             2e    place         Division 2
Saison 1936-37             12e  place         Division 1
Saison 1937-38             8e    place         Division 1
Saison 1938-39             16e  place         Division 1
Avant de dire quelques mots du C.O.R.T. (Club Olympique de Roubaix-Tourcoing), qui devait naître en 1945 de la formation ci-dessus, il faut parler de la Coupe de France qui oppose aussi bien des clubs amateurs que des clubs professionnels et dans laquelle nos deux équipes roubaisiennes se distinguèrent à plusieurs reprises :
– le 24 avril 1932, finale entre l’A.S. Cannes et le Racing club de Roubaix qui voit la victoire du premier ;
– le 7 mai 1933, Derby roubaisien entre le Racing Club de Roubaix et l’Excelsior Athlétic Club ; victoire du second (3 à 1).
Ce dernier événement sportif eut un retentissement considérable dans la ville qui se passionna pour ses footballeurs. A leur retour de Paris, ils furent accueillis par plus de 50.000 personnes rassemblées sur la place de la gare.
Au lendemain de la guerre 1939-45, les difficultés étaient nombreuses pour les clubs roubaisiens qui après bien des hésitations signèrent un protocole d’accord entre l’Excelsior Athlétic club de Roubaix, le Racing Club de Roubaix et l’Union Sportive tourquennoise pour aboutir à la création du Club Olympique de Roubaix-Tourcoing (C.O.R.T.)
Après quelques beaux résultats : 3e place en Division 1 en saison 1945-46, 1ère place en Division 1 en saison 1946-47, il fut rétrogradé en 1955 en Division 2. En 1963, le C.O.R.T. renonça au professionnalisme.

L’hôpital Napoléon

C’est à Napoléon III que l’on demanda de poser la première pierre. Ce à quoi l’Empereur fit répondre le 6 juin 1853 : qu’il ne savait à quelle époque il se rendrait dans le Nord de la France et que ne voulant pas retarder les travaux il ne souhaitait pas poser la première pierre de l’hôpital mais qu’il consentait avec plaisir à lui donner son nom. Afin d’honorer les souscripteurs et l’Empereur, la Chambre consultative désirait aussi que les noms des souscripteurs soient gravés sur des tables de marbre qui décoreraient la salle principale de l’hôpital dans laquelle serait placé le buste en marbre de Sa Majesté l’Empereur Napoléon III.

C’est l’hypothèse d’un hôpital hospice qui est d’abord envisagée. La dépense pour la première partie de l’hôpital contenant 160 lits est évaluée à 200 000 francs. Achille Dewarlez est chargé d’en établir les plans. A quel endroit va-t-on construire cet établissement? On projette de l’édifier à la place de l’ancien cimetière de Roubaix situé rue du Fresnoy auquel serait adjointe une parcelle appartenant à Madame Deffrennes. Mais cela est refusé par le Conseil central d’Hygiène et de Salubrité du Département du Nord qui décrète que le terrain du cimetière de Roubaix ne peut être livré au commerce avant 30 ans, à dater de l’époque de sa fermeture (c’est à cet endroit que sera construite en 1885 l’ ENSAIT). Plusieurs autres emplacements sont donc étudiés : un terrain situé à l’ embranchement (rue de Lille actuelle), celui de la rue des Longues Haies, un autre au Galon d’eau enfin un emplacement rue de Blanchemaille situé entre cette rue et la voie de chemin de fer. Le terrain de la rue des Longues Haies est refusé en raison de la proximité de la partie la plus insalubre du canal et c’est l’emplacement de Blanchemaille qui est choisi. C’est un terrain élevé, sec, au nord-ouest de Roubaix, recevant donc très peu de vents passant par la Ville.

Il est près du centre de l’agglomération et des quartiers habités par la plus grande partie des nécessiteux. Un des inconvénients de ce terrain est l’éloignement du cimetière, d’où nécessité pour s’y rendre de traverser toute l’agglomération, sans méconnaître les inconvénients réels de mettre sous les yeux des habitants les nombreux convois funèbres en temps d’épidémies. Et le Conseil central d’Hygiène conclut de la façon suivante : le terrain de Blanchemaille est un point culminant, bien aéré, le sol est sec. Ce terrain est donc celui qui doit être choisi pour y construire l’hôpital. Ce terrain est constitué de deux parcelles dont l’une appartient à M. Louis Ducatteau et l’autre à M. Cannesson.

Le 5 février 1857, M. Tiers Bonte, faisant fonction de Maire, décide de mettre au concours un projet complet d’hôpital communal. Le projet devra être conçu dans les vues d’une grande économie, sans toutefois nuire à la solidité et à la régularité des formes. Point de luxe, mais du confortable au dedans et une élégante simplicité à l’extérieur. Il devra y avoir dans chacun des services, hommes et femmes, une salle de bains avec une division particulière pour les enfants.

La Ville ne prend aucun engagement relativement à la direction des travaux. Si l’architecte dont le projet aura été jugé le meilleur n’est pas chargé d’en diriger l’exécution, il recevra 2000 francs à titre de prime. Une prime de 1000 francs sera aussi accordée à l’architecte dont le projet recevra le second prix. En octobre 1857, les douze projets résultant du Concours sont soumis au jugement du Conseil général des Bâtiments civils. C’est le projet n°5 portant l’épigraphe Saint-Vincent de Paul qui est choisi. Il est l’oeuvre d’un architecte parisien M. Botrel d’Hazeville.

L’architecte s’est inspiré de l’hôpital Lariboisière de Paris. Le plan est de type pavillonnaire ramassé. C’est un vaste quadrilatère auquel viennent se souder quatre ailes principales ou pavillons séparés par des jardins. Le projet classé second dénommé « Probitas et Industria » est l’oeuvre de Théodore Lepers, l’architecte municipal.

A noter, parmi les autres projets : le n° 7 de Charles Maillard architecte de Tourcoing (ce projet est conservé aux Archives municipales). Le n° 9 de Clovis Normand fils, architecte à Hesdin. Si le projet choisi reçoit l’aval du Conseil municipal, l’édifice projeté présente un aspect monumental digne d’une ville comme la nôtre, il essuie de nombreuses critiques de la part de la Commission administrative des Hospices : la ventilation des salles ne semble pas assez prise en compte et les salles de réception des malades, la chapelle et les cellules des Sœurs qui n’offrent que deux mètres sur deux sont trop petites. Théodore Lepers qui est chargé des travaux effectue des rectifications aux plans. 

L’enquête d’utilité publique a lieu du 21 août au 4 septembre 1858. Les travaux sont chiffrés à la somme de 293.257,56 francs tandis que le prix de l’acquisition du terrain s’élève à 98.994,06 francs. Le 12 juin 1860, la construction du nouvel hôpital Napoléon sur le terrain dit de Blanchemaille est déclarée d’utilité publique et à partir du mois de mai 1861 le reste des souscriptions est mis en recouvrement.

La souscription rapporte au total la somme de 93 000 francs. L’adjudication des travaux a ensuite lieu le 15 juillet 1861. La première pierre est posée le 15 août suivant, après un Te Deum solennel à Saint-Martin, par le Maire M. Ernoult Bayart, assisté de MM. Julien Lagache, Constantin Descat et Renaux Lemerre, ses adjoints, en présence du clergé, des membres du Conseil municipal et de la Chambre consultative des Arts et Manufactures et de l’architecte Théodore Lepers. Une plaque de marbre rappelle cette cérémonie.

Le 28 août 1863 il est décidé d’agrandir la chapelle, on fait appel à l’architecte lillois Alavoine. Les travaux de construction de l’hôpital dureront jusqu’en 1865. A la suite d’une visite générale mais sommaire de tous les travaux en date du 17 mars 1865, les conseillers municipaux délégués concluent que : « l’ensemble gagnerait à être habité très prochainement et engagent l’administration hospitalière à prendre immédiatement possession de l’édifice bien qu’il ne soit pas complètement achevé dans tous ses détails ». La bénédiction de la chapelle a lieu le 22 mars 1865.

A la séance du Conseil municipal du 30 mars 1865 est soumis le dessin du haut relief à exécuter sur le fronton de la chapelle. Cette oeuvre est due au statuaire parisien Charles Iguel. Très satisfait de la qualité de l’œuvre, le Conseil municipal décide d’ajouter 2.000 francs au 3.000 francs déjà votés. Un peu plus d’un mois plus tard, la décision est prise de placer ce haut relief non pas sur la façade de la chapelle endroit si peu accessible mais sur la façade même de l’hôpital à laquelle il est décidé d’ajouter un étage afin de recevoir le fronton: nous ne doutons pas que l’exhaussement d’un étage donnera à la façade un caractère beaucoup plus important que celui qu’elle a actuellement.

Les malades prennent possession du nouvel hôpital au cours de l’année 1865. En septembre 1865, un buste de marbre de l’empereur est commandé au sculpteur Iselin pour la somme de 2.000 francs (ce buste se trouve actuellement au musée de Roubaix). En effet sollicité par la Municipalité roubaisienne, le ministre de la Maison de l’Empereur et des Beaux Arts n’avait promis qu’un buste en plâtre de Sa Majesté l’Empereur, les frais d’emballage devant être acquittés par la Ville !

Le 28 août 1867, le Conseil municipal vote une allocation supplémentaire de 1500 francs à Charles Iguel à titre d’indemnité et en gage de satisfaction.

Lors de leur passage à Roubaix le 29 août 1867, l’Empereur et l’Impératrice visitent l’établissement. A ce moment, l’hôpital compte 208 lits : 108 au rez-de-chaussée (27 pour les fiévreux, 56 pour les hommes blessés, 25 pour les femmes blessées) et 100 lits au premier étage (26 pour les femmes fiévreuses, 26 pour les hommes fiévreux et 48 pour les enfants du 1er âge à 15 ans).

Le 18 janvier 1869 a lieu l’adjudication des travaux de construction d’une buanderie à vapeur tandis qu’à la séance du Conseil municipal du 22 mai est décidé d’ajouter un étage aux bâtiments latéraux à la cour de la chapelle afin de donner plus d’espace au logement des religieuses et des personnes attachées à l’établissement. C’est l’architecte Edouard Dupire qui est chargé des travaux, son oncle Théodore Lepers venant de décéder le 2 mai 1869. A la chute de l’Empire, l’Hôpital Napoléon reçoit le nom d’Hôpital civil puis d’Hôtel Dieu.

En 1881, Emile Moreau rédige un rapport sur l’hôpital en évoquant les lacunes de l’établissement: Il ne s’y trouve aucune chambre particulière pour les malades infectieux. Les salles constamment occupées y sont forcément insalubres. On y fait aucune consultation publique. Il n’y a point de maternité. Il prône aussi la laïcisation du personnel de l’Hôtel Dieu : il serait plus juste et plus humain de confier le soin des malades et la direction des différents services de l’hôpital à des veuves d’employés et d’ouvriers de l’industrie roubaisienne qu’à des congréganistes étrangères à la ville.

L’année suivante, il est décidé d’ajouter un étage de chaque côté de la cour centrale pour permettre d’installer un dortoir de 16 lits destinés à recevoir des malades atteints de maladies contagieuses et de l’autre les personnes sans famille qui désirent se faire traiter moyennant finances.

La même année, l’architecte municipal dresse les plans d’un baraquement pour varioleux qu’il est d’abord question de construire sur l’emplacement à Barbieux qui doit servir ultérieurement à la construction d’un hospice pour les vieillards puis sur les terrains des Hauts Champs. En 1884, on décide de construire le pavillon pour varioleux de 30 lits dans l’enceinte de l’hôpital sur la parcelle de terrain restée inoccupée du côté de la rue Isabeau de Roubaix… Deux ans plus tard, on projette de construire une brasserie sur le coin de la rue de l’Alma et de la rue Isabeau de Roubaix.

A ce moment, l’Hôtel Dieu compte 331 lits et 15 berceaux. La réception définitive du pavillon pour varioleux a lieu le 5 octobre 1888. L’année suivante est décidé de construire une aile de deux niveaux entre la rue Saint-Vincent de Paul et le pavillon central, ce qui permet d’ajouter 46 nouveaux lits déjà existants. En 1892 est voté un crédit pour l’établissement d’une étuve à désinfection. Cette étuve à désinfection sera mise à la disposition du public : il en coûtera 2 francs pour la désinfection d’un matelas, 0,50 pour celle d’un drap.

En 1893, l’administration des Hospices signale à la Municipalité l’exiguité de la cave de la brasserie de l’Hôtel Dieu : en effet par suite de l’augmentation de la fabrication de bière résultant des livraisons faites aux cantines scolaires (!) et au nouvel hospice de Barbieux, l’entonnerie de la brasserie est devenue insuffisante. En 1895, on décide de réunir le pavillon des varioleux qui avait été construit de façon isolée, au corps central de l’hôpital. En 1898, il est décidé pour agrandir le pavillon des enfants d’utiliser un baraquement dont la construction avait été commencée lors d’une épidémie de choléra et qui avait été conservé dans les magasins de la Ville.

En 1901, l’hôpital reçoit la visite de l’Inspection générale des services administratifs. Il est de nouveau déploré l’exiguïté de l’hôpital et les risques de contagion qui en découle : comme service de contagieux, il y a seulement trois petites pièces ou salles d’isolement ce qui est tout à fait insuffisant et même dangereux. On place indistinctement chez les fiévreux les typhiques et les malades atteints de la diphtérie. A la séance du 27 juin 1902 est votée, à la suite de la découverte dans les écoles roubaisiennes de 81 enfants atteints de la pelade, de la teigne ou de différentes maladies du cuir chevelu, la construction d’un dispensaire pour le traitement des maladies du cuir chevelu avec cette réserve qu’il serait pris des mesures pour que les visites à ce dispensaire ne coïncident pas avec les entrées et sorties de l’école de la rue Saint-Vincent de Paul et ne permettrait pas le contact des enfants malades avec les enfants qui fréquentent la dite école.

En 1907, à l’ouverture du nouvel hôpital de la Fraternité, les malades quittent l’Hôtel Dieu. Celui-ci accueille les pensionnaires de l’Hospice (situé rue de l’Hospice) qui est démoli, on construira à sa place la salle Watremez. Trois cent cinquante vieillards sont hébergés dans ce qui devient alors l’hospice Blanchemaille. A la même époque, la Commission administrative des Hospices fixe son siège dans l’établissement.

En 1911, à la suite d’une visite de l’hospice, M. et Mme Joseph Pollet Motte offre une somme de 100.000 francs pour construire deux infirmeries supplémentaires. La Commission administrative accueille avec empressement cette proposition et décide de réaliser cet agrandissement en surélevant de deux étages les bâtiments qui entourent la cour d’entrée. C’est l’architecte Ernest Thibeau qui est chargé des travaux. Ceux-ci sont terminés en 1913. En 1911 également, l’aumônier l’abbé Algrain augmente la surface de la chapelle et l’embellit. La chapelle est dégagée des deux salles de bains immenses qui la flanquaient et y répandaient l’humidité et on lui adjoint deux nefs latérales. Le chœur est agrandi et embelli par la restauration de l’autel, du banc de communion et de la chaire.

En novembre et décembre 1977, 163 pensionnaires quittent l’hospice de Blanchemaille pour celui de Barbieux. Enfin, en mars 1978, les 82 derniers pensionnaires quittent l’établissement. L’Hospice de Blanchemaille est démoli en 1981. Quelques années auparavant, l’Evêché avait envisagé d’utiliser la chapelle de l’hospice en remplacement de l’église Notre-Dame démolie.

Ne subsistent des bâtiments que le fronton de Charles Iguel qui est remonté grâce à une souscription et à la Fondation de France sur le square qui jouxte la Caisse d’Allocations familiales ainsi que les plaques des donateurs qui se trouvaient dans le hall et qui ont été reposées dans la galerie gauche de l’hospice de Barbieux.

Xavier Lepoutre
Vice-Président de la Société d’Emulation de Roubaix

Beaumont

Lorsqu’un Roubaisien voulait se rendre au Château de Beaumont, situé à la limite d’Hem et de Croix, il devait emprunter la rue Neuve (rue du Maréchal Foch), rue du Moulin (rue du Haut Moulin-rue Jean Moulin), rue du Petit Beaumont et chemin vicinal n°8 du Petit Beaumont (rue de Beaumont et rue Edouard Vaillant). Sur ce sentier campagnard qui conduit du lieu-dit Raverdi vers l’Empenpont à Hem, existait une vieille cense exploitée par Monsieur Jean Baptiste CRUQUE. Cette cense dite Petit Beaumont ainsi appelée à cause de son voisinage avec la grande seigneurie de Beaumont, a été occupée pendant plusieurs siècles par la famille DESTOMBES.
En 1834, Jean Baptiste DESTOMBES était l’un des Censiers les plus virulents, s’élevant contre l’établissement du droit d’octroi sur les récoltes. Lorsque les fermiers roubaisiens levèrent l’étendard de la révolte, ils n’étaient plus alors que 122, possédant 500 vaches, 700 hectares de pâturages, 5 hectares de labours. Ils fournissaient annuellement, 30.000 kilos de beurre et 100.000 oeufs.
Malgré cela, le Petit Beaumont a laissé peu de traces dans l’histoire, mais il a donné son nom au hameau dont il est le centre. Là s’ élève aujourd’hui l’Eglise Saint-Jean-Baptiste.
Longtemps a subsisté cette dernière ferme de Roubaix qu’on appelait la Ferme CRUQUE, lorsqu’elle fut abattue en 1955. Monsieur Louis CRUQUE en était alors le propriétaire.
Située à l’ angle de la rue de Beaumont et de la Place du Travail, la ferme CRUQUE, dite Ferme du Petit Beaumont a été remplacée par une école et un restaurant renommé, de type rural, connu sous le nom du Petit Beaumont.
Sources :
Les rues de Roubaix – Théodore Leuridan 1914
Les rues de Roubaix – Les Flâneurs – tome 1
Evénements mémorables – Jean PIAT- 1986.

La passerelle Dujardin

La gare et les voies du chemin de fer avaient séparé le quartier du Fresnoy du reste de la ville à laquelle il était relié par la rue de Mouvaux et la rue Saint-Vincent de Paul (aujourd’hui disparue). C’était un gros inconvénient que subissaient tous les jours les habitants du quartier et toute la population ouvrière que le métier appelaient au Fresnoy.

Il n’y avait qu’un seul remède à cette situation : établir une passerelle près de la gare, au-dessus des voies ferrées. Comme toujours, ce sont les choses les plus utiles qui mettent le plus de temps à se réaliser. Déjà en 1885, les habitants du Fresnoy avaient essayé d’obtenir une passerelle. Un syndicat s’était formé entre les propriétaires pour trouver une somme importante à offrir à la ville comme participation à cette dépense. Mais la Compagnie du Nord, se réservant le droit de la construction de la passerelle, présenta deux projets, l’un de 65.000 francs et l’autre de 80.000 francs. Les pourparlers entre la ville, les propriétaires et la Compagnie du Nord n’aboutirent pas. Le quartier, à cette époque, ne comptait que trois mille habitants.

Vingt ans après, la population ayant plus que doublé, la passerelle devenait de plus en plus une nécessité. Après bien des vœux restés sans résultat au Conseil général ou au Conseil municipal, la question était remise sur le tapis en 1904 par Jules Noyelle. Un nouveau syndicat de propriétaires s’était formé et avait réuni une vingtaine de mille francs, grâce aux efforts de M. Edmond Dujardin.

La passerelle était enfin terminée et inaugurée le 14 septembre 1908 et on lui donna le nom du principal promoteur de cette utile construction.

Edmond DUJARDIN

C’était une personnalité très connue et très sympathique à Roubaix. Il était Président d’honneur du cercle colombophile l’ « Union », et, en cette qualité, il fut nommé chevalier du Mérite Agricole en 1902.

Il était l’un des plus anciens et des plus actifs « coulonneux » de la région. Dès sa jeunesse, il s’était occupé de ce sport si utile et si intéressant au point de vue de la Défense nationale (à cette époque, tous les pigeonniers étaient soumis à une autorisation militaire et minutieusement référencés sur les cartes d’état major). Grâce à des expériences raisonnées et suivies, il était arrivé à le perfectionner et à posséder le pigeonnier le plus pratiquement installé et le plus beau qu’il soit possible d’imaginer. Il partageait son savoir-faire en faisant visiter ses installations à toute personne passionnée comme lui-même de colombophilie.

Edmond Dujardin est décédé accidentellement, le 26 août 1909, à l’âge de 60 ans. Il s’était rendu à Ostende avec un groupe d’amis. Au retour, en automobile, les excursionnistes étaient parvenus, vers six heures du soir, à l’entrée du petit village de Woesten, à 10 kilomètres d’Ypres, sur la grande chaussée dite « du Roi » qui va d’Ostende à Menin par Furnes et par Ypres, lorsqu’ils tamponnèrent un cabriolet. L’automobile fut renversée et deux des voyageurs, Edmond Dujardin et Paul Catteau, furent tués sur le coup.