Le Nouveau Roubaix

C’est sur les terres de trois fermes très anciennes que le quartier du Nouveau Roubaix s’est constitué après la Première Guerre mondiale : les censes de la Haye, de Gourguemez et de la Petite Vigne. Leur emplacement était le suivant : la cense de la Haye se trouvait à l’emplacement de l’immeuble de la rue Charles Fourier, dit « la banane », la cense de Gourguemez un peu plus à l’ouest au milieu du débouché des rues Palissy et Carpeaux, en amont de l’avenue Delory, où elle voisinera un temps avec l’usine Pollet. La ferme de la Petite Vigne se situait au sud est de la grande ferme de la Pontennerie qui a donné son nom au quartier.

La cense de la Haye est issue d’une vieille famille noble évoquée dès 1245, dont les membres ont porté le titre de rois des Timaux, qui étaient une terre franche de Fâches. Il fallait être Chevalier pour être Echevin ou Roi de cette terre entièrement libre de la Châtellenie de Lille. La cense de la Haye aura parmi ses fermiers des membres des familles Castel, Prouvost, Spriet, Desprets et Dhalluin dont beaucoup ont été échevins de Roubaix. Cité en 1136, le nom de Gorgomès s’éteint dès la première moitié du XIIIe siècle. La terre de Gorghemés devient la propriété des religieuses de Marquette, puis échoit à la famille de Croix. La cense de Gourguemez aura comme fermiers les familles Verdière, Renard, Bossut et Boussemart.

La cense de la Vigne est citée dans un dénombrement de 1401 et tient son nom de celui d’un homme du fief de Jean de Roubaix. Lorsque les fermiers demandèrent en 1834 l’érection du territoire rural de Roubaix en commune séparée, le censier de la Petite Vigne, Coisne, faisait partie des pétitionnaires. Elle appartiendra ensuite à l’industriel Louis Cordonnier qui en a fait une grande propriété qu’il appellera les Près.

Un plan de Roubaix de 1919 montre que la surface des terres comprises entre ces fermes est déjà remplie à moitié : de nouvelles usines sont apparues entre la rue de Beaumont (future rue Edouard Vaillant) et l’avenue Linné. Le boulevard de Fourmies créé comme voie particulière en 1892 permet ainsi d’accéder aux filatures Dazin Motte, et Ternynck (aujourd’hui Damart).

A l’origine de la création de ce nouveau quartier, la société immobilière Lemaire et Lefebvre continuent de vendre les terres agricoles pour les différents projets d’urbanisme. A l’initiative privée succéderont les projets publics.

Les jonctions du Boulevard de Fourmies et de la rue Ingres au Boulevard industriel (future avenue Alfred Motte), délimiteront ainsi le futur quartier du Nouveau Roubaix. C’est en effet dans cet espace que seront construites les fameuses habitations à bon marché (HBM). Ce projet de développement de l’urbanisme roubaisien fut entrepris dès 1923 par l’équipe municipale de Jean Lebas et se poursuivra jusqu’aux années trente.

 

Philippe WARET

Les Trois Ponts

Fin 19e siècle, les Trois Ponts ne sont que quelques hameaux reliés au bourg par d’étroits chemins de terre, des pieds sentes, arrosés par un riez prenant sa source à Hem, irriguant les terres de la ferme de la « Petite-Vigne « , alimentant les fossés de la ferme de Courcelles et traversant les hameaux du Pile et des Trois Ponts pour enfin se jeter dans l’Espierre au Sartel. Sans doute ce riez était-il traversé par trois ponts en planches, ceux-ci permettant de le franchir plus aisément, donnant ainsi son nom à ce secteur de la ville. D’ailleurs, en 1847, un Conseiller municipal signalait la défectuosité de ces chemins de terre reliant le bourg aux hameaux, en particulier celui des trois ponts, que la mauvaise saison avait rendu impraticable.

Les trois ponts en 1900, c’est donc la campagne (une rue Brame qui ne compte que trois maisons, dont deux estaminets), des champs de céréales, des pâturages avec au loin les péniches chargées de charbon traversant le quai du Sartel, et aussi un garde champêtre, Charles Denoyelle, que les témoins décrivaient comme imposant et solennel dans son uniforme.

Le Carihem de la Belle Epoque c’est aussi le célèbre stand de Tir National, derrière la gare du Pile que le tramway, le  » H « , desservait jusqu’à la gare de Roubaix. La Société de Tir national, née en 1859, au cours d’une réunion au café Ma Campagne pendant laquelle quelques amis (parmi lesquels Gustave Nadaud), à l’occasion de la Sainte Barbe, décidèrent de créer une société de tir qui, après quelques pérégrinations sur l’emplacement du Parc Barbieux, puis de la rue Ampère au Galon d’Eau, vint finalement s’installer, en 1910, au Carihem.

Puis, de vastes opérations d’urbanisme dessinèrent dans ce village, ce qui sera plus tard le quartier des Trois Ponts. L’épine dorsale sera constituée de la belle avenue de Verdun, débouchant sur le boulevard Salengro, face à l’avenue Van der Mersch. L’avenue Brame, elle, perpétue encore le souvenir du député de Roubaix, de Lannoy et de Cysoing, qui devint ministre de l’Instruction publique sous le Second Empire, et dont le ministère pris fin après la défaite de Sedan.

C’est en 1960 que l’histoire du quartier des Trois Ponts prend un tour décisif ; en novembre, le Conseil municipal se prononce pour une demande de déclaration d’utilité publique ayant pour conséquence majeur une vaste expropriation des maisons du quartier afin de transformer ce secteur en une grande zone à urbaniser prioritairement. Après le quartier Edouard Anseele, l’on vit donc les habitants quitter, non sans regrets, et à la suite de nombreuses difficultés, leurs maisons et les fenêtres rendues aveugles par les murs de briques.

Ainsi la superficie de 25 hectares du quartier ne comptabilisera désormais guère plus de 2 hectares de bâtis, laissant 17 hectares qui seront occupés par les futurs collectifs et les tours qui allaient s’élever. Douze ans après la décision du Conseil municipal, l’opération  » ZUP des Trois Ponts «  prit forme, inaugurant le nouveau quartier des Trois Ponts.

Le Trichon

Ce quartier ne tire pas son nom d’une quelconque ferme mais du passage du riez du Trichon . Pour Leuridan, Trie, Tries, Triez désigne un espace de terrain abandonné par les eaux d’un ruisseau ou formé par ses alluvions. Le nom de  » Trichon «  serait une appellation générale à laquelle l’usage a donné un sens particulier et qui s’est étendu au ruisseau même qui a produit le Triez, au bois qui croissait sur ses rives et au hameau qu’il arrosait. Quelques vieilles fermes existaient autrefois dans le quartier du Trichon : la ferme Selosse qui a fait place à la rue de Soubise, les censes Destombes, Watteau, Gadenne et Tiers.

La rue du Bois est mentionnée dès 1682. Elle tire son nom du petit bois du Trichon. Cette rue était un sentier par lequel on allait rejoindre le cabaret du Croque-Chuque  en passant le riez du Trichon sur une simple planche. Pour ce qui est de la Place du Trichon, on construisit sur celle-ci en 1862 un  » Minck  » ou marché aux poissons qui fut agrandi en 1887 pour être finalement démoli en 1951 et laisser la place à un petit square.

En 1867, Constantin Descat, Maire de Roubaix, décida que la rue ouverte sur les terrains des héritiers Tiers au Trichon entre la rue des Arts et des Fleurs prendrait le nom de « rue du Trichon ». La rue Rémy Cogghe qui s’appela rue des Fleurs jusqu’en 1935 reprend le tracé de l’ancien sentier du Trichon qui conduisait de la Place du Trichon à l’Epeule. La rue Mimerel est un peu plus récente : c’est en 1890 que le Comte Mimerel écrivit à l’Administration municipale pour lui demander l’autorisation de percer une rue au travers de sa propriété de la rue du Grand-Chemin en demandant : qu’en souvenir des services rendus à l’Industrie et au Commerce de Roubaix par sa famille, la rue prenne à perpétuité le nom de rue Mimerel.

La même année, la propriété de Pierre Catteau fut rachetée par la Mairie : le parc fut transformé en jardin public tandis que la maison devint tribunal. La rue Miln avait été ouverte pendant le second Empire sous le nom de rue Impériale. Elle fut débaptisée et reçut le nom de rue Miln par un arrêté municipal de 1871.

De l’autre côté de la Place du Trichon, la rue Verte apparaît avec le lieu-dit du Trichon dans l’inventaire des rues, chemins et lieux-dits de 1596. En 1836, une nouvelle rue est créée : la rue du Midi. La rue du Midi et la rue Verte donnèrent en 1867 la rue de Sébastopol, suite à la victoire impériale de 1855 pendant la guerre de Crimée. Sur le cadastre de Vendémiaire an XIII, la future rue de Soubise n’était encore qu’un chemin de neuf mètres de large qui constituait une voie de communication entre Roubaix et Lille.

Par décret municipal du 28 octobre 1867, l’ancien Chemin Vert devint la rue de Soubise. Ancienne rue de la Place Verte, la rue du Curoir fut ouverte le 6 octobre 1826 et son nom évoque, selon Leuridan, un ancien établissement où les ménagères du bourg faisaient curer leur linge. Dans cette rue s’installa en 1844 l’entreprise Delattre et fils, l’usine existe toujours et attend une reconversion prochaine. La rue des Fabricants a été ouverte en 1826 et classée dans le réseau des voies urbaines en 1847.

  

Xavier Lepoutre

 

Barbieux et les Huchons

Ce nom était porté par une ancienne famille de laboureurs dont  Ghilbert des Barbieurs  était Lieutenant de Roubaix en 1428 et est cité comme l’un des plus riches de Roubaix. Le nom de  » Barbieux «  apparaît à la fin du XVIIe siècle.

Le hameau des «  Huchons «  serait lié à la famille Prouvost. En 1474, Jean Prevost, dit des  » Huçons «   était échevin de Roubaix. Toujours selon Leuridan, la ferme Prouvost était la ferme Lepers, située à peu près au niveau du carrefour actuel boulevard du Général de Gaulle et du boulevard de Douai. Cette ferme qui appartenait à la Révolution au sieur Vander Cruisse fut rachetée par le censier Lepers dans le but de la rendre à son maître, ce qu’il fit. La famille Vander Cruisse, reconnaissante, abandonna au censier Lepers la ferme avec son verger, ne gardant que les terres.

De nos jours, l’appellation  » Barbieux «  a supplanté celle des  » Huchons  » qui n’apparaît plus que dans la dénomination des réservoirs d’eau des Huchons. Le quartier de Barbieux s’étend entre les quartiers de l’Epeule, du Moulin et de Beaumont, il est limité au sud par la commune de Croix.

Au début du XIXe siècle, c’était une étendue de terres agricoles traversées par le chemin des Loups et celui de Barbieux. Entre 1828 et 1830 des travaux préparatoires à l’établissement d’un tunnel pour le passage du canal de Roubaix furent entrepris mais ceux ci durent être interrompus étant donné le caractère friable du terrain. En lieu et place du canal fut établi, en 1866, une promenade qui fut ensuite lotie et portera le nom de « boulevard de l’Impératrice », puis « de Paris ». Le long de ce boulevard, les industriels roubaisiens firent construire leurs hôtels particuliers.

Dix ans plus tard, les terrains situés dans le prolongement du boulevard servirent à créer le Parc de Barbieux en deux tranches : 1879-1886 puis 1903-1906. Le boulevard de Cambrai fut tracé en 1882 et celui de Douai en 1888. Ces deux boulevards faisaient partie du projet de boulevard de ceinture voté en 1867. Le long du boulevard de Cambrai fut construit, en 1894, la Maternité Boucicaut tandis qu’à l’extrémité du boulevard de Douai fut édifié, entre 1890 et 1894, l’Hospice de Barbieux.

En 1896, les Sœurs de la Congrégation dominicaine du Rosaire firent construire par l’architecte E. Thibeau leur institution qui comportait un pensionnat et un externat. Les réservoirs à eau des Huchons furent, quant à eux, bâtis à partir de 1885. La construction du premier réservoir fut suivie en 1892 par celle de deux autres dont l’un s’effondra en 1893, inondant le chantier de l’Hospice de Barbieux, à la grande surprise des entrepreneurs peu préparés à l’éventualité d’une inondation sur le point culminant de Roubaix.

Xavier Lepoutre

Mon vieux Fontenoy

Il y a quelques années que je suis passé dans le Fontenoy, mon quartier de jeunesse. Il n’y avait encore aucune maison abattue, mais il n’y avait plus, non plus aucune âme dans cette partie de rue située entre la rue de l’Alma et la rue de la Lys. Les fenêtres et les portes étaient bouchées par des parpaings pour empêcher toute « réoccupation », toute violation. La mort déjà planait sur ce quartier autrefois si vivant.

J’apprends à présent par mes vieux amis que tout a disparu et que des ensembles s’élèvent maintenant là où nous jouions dans le passé. Que l’on me pardonne d’évoquer cette période de ma jeunesse, mais si, comme je l’espère, nombreux sont encore ceux qui l’ont connue, ils ne pourront que sécher furtivement une larme au coin de l’œil en retrouvant vie, habitudes et habitants de cette époque à présent effacée.

Pour nous, le Fontenoy avait des limites assez nettes. Si l’on prend les axes rue de l’Alma, rue de Fontenoy, formant ainsi une croix, il s’étendait de la rue Saint-Vincent de Paul à la rue Henri Carette dans un sens et de la rue Blanchemaille au château Wibaux de l’autre. Ces limites englobaient des rues secondaires comme la rue Archimède au moins là où elle touchait la rue de l’Alma avec, sur l’un des coins, la crémerie Broutin, sur l’autre l’herboristerie Gras. C’était une rue assez calme, marquée pour moi par deux points remarquables : vers le bas l’école Archimède où j’ai fait mes classes primaires (mon père l’avait fréquentée du temps de Monsieur Lerat, Directeur). En passant, je rappelle que les enfants du quartier se partageaient entre cette école, celle de la rue Saint-Vincent (Directeur Monsieur Vaneste) et celle du boulevard d’Halluin. Le second point, vers le haut, le café « Au Mogador » où nous sommes allés mes camarades et moi, une fois adolescents, jouer bien des parties de billard. Non loin de ce café aboutissait la rue de la Lys bien peuplée jusqu’à sa jonction avec la rue de Fontenoy. Il devait y habiter, si ma mémoire ne me trompe pas, un marchand de charbon bien connu du nom de Boutteville et un chanteur des chœurs du théâtre, Monsieur Lodewick, qu’on remarquait sur la scène à cause de son pied bot. Je me souviens l’avoir vu dans le « Grand Mongol », joué au Casino Grand’rue. L’autre partie de cette rue arrivait à la rue Saint-Vincent de Paul. Si l’un des trottoirs n’offrait que quelques maisons habitées dont celle de Monsieur Thérin, adjoint au maire, qui avait marié mes parents et de nombreux Roubaisiens, l’autre longeait la fabrique Lepoutre et les entrepôts de bois de l’entreprise de menuiserie Derville (mon père y travailla) qui s’ouvrait côté rue de l’Alma face à la rue de la Redoute (actuellement rue Emile Moreau). Les murs de ces entrepôts n’étaient pas pleins, mais les briques, pour faciliter le séchage du bois, laissaient entre elles des intervalles, ce qui nous permettait de faire de l’escalade ou encore d’y cacher des petits billets dont le contenu plus ou moins bien écrit, ne comportait rien de bien compromettant.

Un peu au-dessus de cette rue, et en parallèle venait la rue de Cassel qui, de la rue Saint-Vincent à la rue de Fontenoy, ne comportait que des maisons de maître, mais voyait s’ouvrir face à cette dernière rue, le parc du château Wibaux avec son dispensaire, autre lieu d’ébats pour les enfants du quartier. Ce parc, bordé d’un long mur, descendait jusqu’à la rue Stéphenson, prolongement de la rue Archimède, nous paraissait, à nous les petits, immense. Son gardien Baptiste, homme à la jambe de bois, à la forte moustache, nous effrayait toujours quand il apparaissait, nous chassant impitoyablement de toute pelouse. Quant au jardinier de la ville, Georges, appelé à assurer son entretien, avec le recul du temps, je lui tire mon chapeau quand je pense qu’il tondait toutes les surfaces avec une tondeuse à bras, sans moteur. Quelquefois, le comité des fêtes du quartier y donnait des kermesses. Les loteries, les manèges s’installaient et alors nous ne savions plus nous décrocher de ce lieu paradisiaque sauf pour aller réclamer quelques sous à la maman pour jouer au tirlibibi.

De l’autre côté de cette partie de rue avaient été construits les immenses entrepôts du conditionnement où s’entassaient d’énormes balles de fibres textiles laine ou coton. Toutes ces rues étaient pavées de lourds grès de granit que des ouvriers alors vêtus d’un ample pantalon de velours se resserrant à la cheville, les reins ceinturés d’une bonne flanelle, venaient assez souvent remettre en place.

Après les avoir enlevés, on remettait une couche de sable bien jaune, puis à l’aide d’un outil, sorte d’herminette ou de pioche réduite à la fois marteau d’un côté et pic aplati de l’autre, les ouvriers les replaçaient après avoir enlevé un peu de sable avec la face plate de l’outil et les martelaient de l’autre pour les égaliser. Constamment courbés ou à genoux, ces hommes faisaient inlassablement, sans grands arrêts, ce travail particulièrement pénible. Il n’y avait alors aucune main d’œuvre étrangère si l’on veut bien compter comme Français la plupart des habitants qui étaient venus de Belgique lors de la poussée industrielle textile de Roubaix.

Le Fontenoy était comme un grand village, même si les églises en étaient assez éloignées. Les plus proches étaient Saint-Joseph où je fis ma communion en 1925 et Notre-Dame plus près de la place Chevreul. Chaque printemps voyait les façades être repeintes d’une couche de badigeon fait de chaux plus ou moins teintée, délayée dans l’eau, comme cela se fait encore beaucoup en Belgique. Le soubassement était passé au goudron de houille, noir, luisant, que nous allions acheter à l’usine à gaz dont les énormes réservoirs trônaient dans la rue de Tourcoing.

Dans chaque partie de rue, les habitants se connaissaient bien. Les voisines se rendant facilement visite pour prendre une tasse de café. Ainsi, j’habitais au 146 de la rue de Fontenoy. Je suis né en 1914 à l’Hôpital de la Fraternité, ma mère habitait alors, jeune mariée (mon père était au front), une petite maison cour Decock, rue de l’Alma. Après avoir, comme beaucoup de Roubaisiens évacué en Haute Marne en passant par la Suisse et par la Haute Savoie, j’étais revenu retrouver en 1920 ma grand-mère qui habitait une de ces courées aux petites maisons de deux pièces au rez-de-chaussée et de deux chambres exigües à l’étage, cour Delestrez, rue de Fontenoy. Mes parents avaient loué une maison presque face à cette cour pour y tenir un petit commerce de parapluie et de maroquinerie. Coïncidence, cette maison avait été occupée autrefois par mon grand-père paternel Camille Vandeputte, dit « le Marbré », qui y tenait café. Un jour que mes parents décidèrent d’en changer les deux fenêtres servant de vitrines d’exposition pour une nouvelle vitrine plus large et plus moderne et qu’ils changeaient alors le plancher de bois, vieux, ponctué de trous, on retrouva, là où était le comptoir du débit, des petites pièces d’argent qui s’y étaient perdues…

Quittant cette maison désormais nôtre, mon grand-père s’était installé sur l’angle de rue, en face, et tout le quartier connaissait le café de Camille que fréquentaient les menuisiers de chez Derville et où, aux moments de joie collective, les chaises servant de monture, prenaient de rudes chocs, lorsque les cavaliers, tournant autour de la salle, les menaient au rythme de la « Marche des Forgerons ».

Revenons donc aux voisins de qui je vais évoquer les noms et que bien des anciens, lisant ce journal, reconnaîtront. Nous partons vers la rue de la Lys. Sur l’angle de la rue de l’Alma, c’était le café de Jojo Lemarchand. Ce dernier y avait monté un caf’con’ où chaque dimanche des chanteurs venaient se produire. Venait ensuite la maison de la famille Bray avec Julie, la maman, Emile, le garçon devenu je crois coiffeur, et Luce, une de nos bonnes camarades de jeux. Puis, c’était le magasin de parapluies de ma mère qui n’abandonnera jamais ce quartier où tout le monde la connaissait sous le nom de « Marie Paraplu ».

Il y avait ensuite une petite courée où nous devions aller prendre notre eau à la pompe et qui comportait trois maisons : celle d’Arthur Joye, ex-marchand de charbon. Devant sa maison se dressait le hangar où il rangeait sa voiture et dont la porte cochère, à la grande colère d’Arthur, nous servait d’énorme tableau. La maison du milieu abritait la famille Mervaille. Le papa Camille était menuisier chez Derville. La maman Philomène s’occupait de ses deux garçons : Julien et Fernand. Julien l’aîné, était un de nos camarades. Continuons, après la porte cochère tableau, on trouvait une autre porte cochère : celle d’Henri Frites. Je ne lui ai connu que ce surnom que lui donnaient mes parents tout simplement parce qu’il vendait des frites à la porte du cinéma Leleu. Ses proches voisins étaient les Moutier. Ils avaient un grand garçon trop vieux déjà pour être des nôtres, par contre sa sœur Clotilde est venue jouer au Basket avec nous rue d’Alsace. On rencontrait ensuite la maison plus bourgeoise pour l’époque de Madame Lecomte. Y habitaient aussi Albert, un grand jeune homme étudiant et Yvonne, elle aussi compagne de jeu. On y voyait parfois un parent, professeur d’art, Monsieur Bayens, qui fit un jour un tableau peint de la rue. Puis c’était la famille Vandecaveye, ami d’enfance de mon père et voisine, la famille Monié. Le papa travaillait aussi chez Derville. Il y avait plusieurs garçons dont Albert et Georges un de mes très bons camarades ainsi que plusieurs filles dont Rachel. Leurs voisins, les Dehainin étaient forains. Alors venait la maison de Florine, la mère de mon ami Doyennette, presque mon frère tant il m’a guidé étant jeune. C’était la maison du bon accueil. Je m’y rendais presque chaque jour. C’était le lieu de réunion des amis : Julien, Charlot Georges, André, Roger, moi-même. La famille Dambrine se présentait alors avec sa fille Jeanne que, comme toutes les filles du lieu, nous remarquions naturellement.

Ainsi, voyez-vous, chaque maison était connue, comme si les habitants étaient de la même famille. Il m’est arrivé d’habiter d’autres endroits au hasard de ma profession d’instituteur. Mon dernier poste, à Lille, près de la mairie, m’a permis de connaître, parce qu’elles habitaient le même immeuble que moi, mes collègues directrices des écoles maternelle et de filles, le cafetier voisin parce que je devais y aller téléphoner et c’est tout. Je ne connaissais personne d’autre.

Pour finir et arriver à la rue de la Lys, je pourrais encore rappeler la mémoire d’un ménage dont la femme s’appelait Romanie et le garçon Maurice. Les Horquin, la famille Codron avec notre ami Pierre et la famille Bonte dont le garçon Julien faisait partie de notre groupe de sortie. La famille Mention avec notre ami Charlot habitait une courée située entre la rue de la Lys et les entrepôts de la rue Cassel.

En revenant sur nos pas, l’autre côté de la rue était occupé par l’usine Lepoutre, avec près du coin, sa chaufferie qui déchargeait à même la rue, ses cendres, ses scories, ses grouaches comme on disait et on voyait plus d’une personne venir les trier pour en retirer les morceaux de charbon imparfaitement consumés. Preuve que toutes nos familles n’étaient pas riches et que toute économie était bonne à faire. Au bout de l’usine, on remarquait le café du « Brassard Rouge » qui faisait à manger pour les ouvriers. Cette appellation vient de la guerre 14-18 durant laquelle des déportés je crois, arboraient au bras un brassard de cette couleur. Entre café et usine, il y avait pourtant le long couloir d’une courée où l’on dénombrait Charles Delmotte travaillant au Service des Eaux installé rue de la Lys, Helène Tempermann, amie de jeunesse de mon père, son mari et ses enfants, l’oncle Cyrille qui faisait encore des livraisons avec sa voiture à chevaux. Tout près était l’échoppe du cordonnier Lecomte parent de la dame qui habitait en face. Ensuite venait un ménage dont j’ai oublié le nom, ayant un seul garçon, Marcel. S’ouvrait alors le couloir de la cour Delestrez où logeait ma grand-mère maternelle Joséphine ayant comme voisins : Les Hochedez, Arthur et Mary, Henri, Jacques chez qui venaient parfois ses nièces, dont Irène qu’on lorgnait tous, ma foi. La première maison de la cour faisait partie du café voisin tenu par un homme âgé, très gros, au crâne couvert de cheveux ras : Joseph Dhondt, marié à Zulma et ayant avec lui son fils Edouard et son petit fils Raymond Wadin. C’était un personnage très connu du tout Roubaix, ex-agent de l’Antverpia, une compagnie d’assurance et je le crois aussi si mes souvenirs sont bons, chansonnier patoisant à ses heures.

Enfin venait la maison de Clémence, Madeleine et Blanche et leurs frères, toutes très droites, très douces. Puis la famille Ghesquière aux nombreux enfants dont Aurélie mariée à Monsieur Courcel et Rachèle. La dernière famille avant le coin était celle de Madame Bataille et de ses deux filles Lucienne et Rosa. Le fils Maurice qui y venait parfois a eu, sans trop le savoir, assez d’influences sur moi. Il avait fait l’Ecole Normale de Douai. Je ne sais s’il a enseigné mais il a certainement écrit et participé à des revues. C’est le premier intellectuel que j’ai rencontré. Il m’a donné des vieux cahiers d’Ecole Normale que j’ai longtemps conservés, des livres, j’ai encore celui où l’on trouve l’histoire du Comte Job, des revues reliées dans lesquelles j’ai lu l’Histoire de l’Auberge de la Croix Noire. Il m’a donc entraîné à lire alors que nous n’avions pas de livres à la maison. D’autre part, il possédait aussi un grand sabre de cavalerie qu’il me montrait volontiers et qui m’émerveillait. « Objets inanimés avez-vous donc une âme ? » Ca doit être de ce moment que commença à naître mon goût pour tout objet ayant une histoire et mes envies de collectionner.

Le café du coin ex-café Camille Vandeputte, était devenu le café Vammarck. Le père Vammarck avait plusieurs filles, l’une d’elles épousa Francis Versavel qui remplaça son beau-père, une autre Sylvie épousa le demi-frère de mon père Auguste Castelain et je devins ainsi plus ou moins son parent. Francis et mon oncle Auguste faisaient partie d’une chorale : « La Coecilia roubaisienne » dont les sorties étaient toujours remarquables. Roubaix, Tourcoing connaissaient encore d’autres chorales à cette époque : les Cric-Sik (je ne garantis pas l’orthographe), les Quarante et je crois qu’il y avait aussi le coin de la rue de la Lys et d’Archimède : Les Maboules.

Tous ces gens se côtoyaient, se fréquentaient sans aucune retenue, sans gêne : on s’interpelait dans la rue, on y bavardait longuement, on allait boire le café, on allait entre voisins ensevelir les morts, on faisait à leur intention une quête en portant de maison à maison les mortuaires, on rendait une dernière visite au gisant sur le lit de mort. Ainsi suis-je allé, tout jeune, avec maman, « voir » François, « chaux » comme on disait, Ghesquière. C’était la première fois que je voyais un cadavre.

Les dimanches de carnaval, ou le mardi gras, je pouvais rester de deux heures à six heures au « grillage de la rue de l’Alma », une courée près du café Cordule où mes parents m’envoyaient acheter un litre de bière à la fois, sans cesser de voir passer les travestis. Il se constituait aussi souvent, par quartier, des groupes costumés qui se rendaient au Fresnoy pour concourir. L’un de ceux créés au Fontenoy fut celui des « Diables Rouges ». Il y eut aussi « Les Nourrices » et « Les Poupons ».

Les soirs d’été, le dimanche, tous venaient s’assoir sur le seuil des maisons trop petites et trop chaudes, seuil en pierre bleu qui devait provenir de Tournai, et la rue entière offrait ce spectacle de voisins assis côte à côte bavardant, se reposant avant de reprendre le travail du lundi à l’appel des sirènes d’usines que chacun savait identifier : « Tiens ! Voilà Vanoutryve ! Ah ! C’est Lepoutre ».

La rue offrait encore le spectacle des marchands ambulants. Il y avait chaque jour le laitier Marcel, gros et rouge de visage, qui venait de Bondues dans la campagne proche, avec une voiture légère attelée d’un cheval ; il puisait de sa mesure réglementaire en fer blanc le lait à même le bidon. Nous ne connaissions guère le lait en bouteille ou en brique. Il ne m’a jamais empoisonné ce lait, bien qu’il lui arrivât les jours d’orage, de tourner à peine sur la cuisinière à charbon.

On remarquait aussi le lourd chariot transportant un gros tonneau plein de lait battu. Ma mère en achetait et nous mangions alors, ce soir-là, une espèce de soupe dans laquelle entrait du riz et parfois des morceaux de pomme : le goût en était un peu aigre mais je crois que tout ce monde aimait le lait battu, denrée de prix modique.

Témoignage de J.N. VANDEPUTTE
Septembre 1993

La Grande Vigne

Cette importante propriété fut acquise par Oste, frère bâtard de Jean de Roubaix, grand soldat, dont la valeur et la vaillance étaient reconnues notamment par le Duc de Bourgogne. A sa mort, le 17 mars 1444, la Seigneurie est incorporée au gros du fief de Roubaix et convertie en cense sous le nom de  » Grande Vigne « . Oste est inhumé à Saint-Martin où l’on peut toujours voir son épitaphe en pierre blanche sur un des murs de l’église.

En 1633, la cense est exploitée par Pierre de Hallewin et comprend 23 bonniers. Elle est reprise en 1649 par Gilles Masurel, puis la famille Lepers pendant six générations et en 1703 par la famille Salembier Corne, Salembier-Bulteau puis Salembier-Mulliez. Une brasserie complétait la ferme qui se transforme en brasserie-malterie à partir de 1862. Elle fonctionnera jusqu’en 1938.

La ferme brûle en 1892 et les bâtiments sont reconstruits à l’identique avec deux nouvelles chaudières pour produire des bières de haute et basse fermentation. On peut toujours voir ces bâtiments au n° 1 de la rue d’ Oran. Ils hébergent actuellement d’autres entreprises.

Le Fontenoy et la Bourde

FONTENOY
En 1392, le fief comprenait un manoir avec un bosquet de 2 bonniers et demi et les 12 bonniers de la terre de le Becque annexée au Fontenoit en 1272.
Ce fief est acheté le 26 mai 1424 par Jean de Roubaix qui désire agrandir et unifier ses propriétés. La terre du Fontenoit est alors affermée comme cense seigneuriale et tenue par les familles des Tombes, puis de le Becque qui l’exploitent pendant plus d’un siècle, et enfin, en 1741, par Toussaint de le Barre. C’est ensuite Jean Baptiste Réquillart qui épouse Marie de le Becque le 23 janvier 1747 et fonde une première maison de fabrication qui deviendra par la suite très importante sur Tourcoing.
Une chapelle Saint-Joseph, aujourd’hui disparue, avait été construite près du Triez du Fontenoit pour permettre aux habitants des environs de se rendre à la messe sans aller jusqu’au bourg quand le temps humide rendait les chemins impraticables et dangereux. En 1620, François Becquart, curé de Roubaix, fait entretenir à ses frais une école dominicale pour les enfants pauvres.
 
A partir de 1840, le Fontenoit rural disparaît pour laisser place à la grande industrie dont les usines vont couvrir le quartier tandis que les ouvriers venus le plus souvent de Belgique, vont loger dans les forts, puis les courées construites spécialement pour eux. Avant 1871, il existait plusieurs rues du Fontenoy. Par commodité, la rue du Bas Fontenoy devient la rue Stephenson tandis que la rue du Fontenoy est dénommée rue Archimède. Seule la rue Neuve du Fontenoy garde le nom de rue du Fontenoy.
La rénovation de ce quartier populaire et dense, construit surtout entre 1840 et 1900, s’impose dans les années 1960. En 1970 débutent les démolitions d’ îlots insalubres tandis que des habitants créent un Atelier Populaire d’Urbanisme qui refuse les immeubles en barre. L’ architecte belge Verbiest traite son projet en concertation avec la population locale et les premiers travaux commencent en 1979. Connue sous le nom Alma Gare, cette opération d’ urbanisme reste unique dans le domaine de la conception de l’ habitat.
LA BOURDE
La Bourde, située aux confins de Roubaix, entre Wattrelos, les terres de la Grande Vigne et de la Havrerie, était tenue de la Seigneurie de Roubaix et comprenait 10 bonniers. En 1621, La Bourde consistait en un manoir ou maison de plaisance, avec cense, jardins, chemins, issues, fossés, eaux et terres à labour.
Elle eut de nombreux propriétaires dont Bouchard de la Bourde en 1269, homme de fief du Seigneur de Roubaix. En 1391, on trouve Jacques du Bos, en 1401, Pierrars du Bos, bailli de Roubaix de 1428 à 1441, puis les familles Coene, Dragon, de la Vitche, de Croix, Van Hurne, de Schooren. En 1740, Jacques Adrien Frasneau d’ Hyon, vicomte de Cantelen, en payait le relief.

Le Tilleul et Courcelles

Le TILLEUL
Ce fief tenu de la Seigneurie de Roubaix à un chapon de relief consistait en un carrefour de chemins avec tous les profils d’un tilleul qui était planté et que le possesseur avait le droit de remplacer sans autrement entraver le chemin.
Au 16e siècle, Martin SORYS, Guillaume du PRET, Guillaume POLLET et son fils Gilles possédèrent successivement LE TILLEUL.
Le recensement de 1763 attribue 28 ménages au THILLOEUIL et la cense TIERS DUTHOIT se trouvait au chemin du Tilleul. Ce hameau se situait au carrefour des actuelles rues de Lannoy et Jules Guesde (cette dernière s’appelait auparavant rue du Tilleul).
En 1867, le propriétaire, Roger DESREUX accepte la suppression du Tilleul et la démolition de la chapelle Notre-Dame de la Délivrance, à la condition que celle-ci soit reconstruite à l’identique un peu avant le croisement. Cette chapelle, qui contient une Vierge habillée à l’espagnole cachée sous un manteau de bois, est toujours visible, rue Jules Guesde, engoncée dans l’alignement des maisons.
 
COURCELLES
Il était divisé, en 1441, en deux fiefs du même nom : l’un de sept bonniers neuf cents, tenu successivement par Jacques de LESPIERRE, Willaume du PRET, Simon FOURNIER, Demoiselle Marguerite de Passy ; l’autre de 6 bonniers tenu par Jean du Bos de Tourcoing, auquel succéda Willaume de LESPIERRE.
En 1458, Jean CARPENTIER, seigneur de la Vigne en devient le possesseur. Onze bonniers furent commués en terres renteuses, les deux bonniers restants comprenant une motte amassée de maison, grange, étables et autres édifices, le tout enclos de fossés : chaingles, jardins, hayes et prés, quelques rentes et l’exercice de la justice vicomtière.
Notre rue de Courcelles qui part de la rue de Lannoy pour se terminer rue Pierre de Roubaix est tracée sur l’ancien chemin qui menait à la cense.
En 1520, le Censier de Courcelles est de ceux qui vont quérir des pierres à Lezennes pour l’église de Roubaix.
Le 21 avril 1766, Charles Auguste Joseph Farvaque d’Haubourdin, seigneur de Courcelles, accorde à bail la ferme ne contenant plus que trois bonniers sept cents au prix annuel de 180 florins.
 
 Francine DECLERCQ

La Pontenerie

Nous pouvons rêver au Roubaix champêtre, que l’ère industrielle a relégué dans les souvenirs qui composent son histoire, en contemplant la vue du château et de la cense de la Pontenerie, l’une des trois consacrées à Roubaix par un chanoine de la cathédrale d’Ypres sous l’épiscopat du célèbre Jansénius, Antoine Sanders. Il profita de ses nombreux voyages dans la Région pour réunir une collection inestimable de dessins et rédiger son ouvrage monumental sur la description de notre province, la « Flandria illustrata » dont les deux premiers tomes ont paru en 1641/1644. Le troisième, consacré à la Flandre wallonne et au Tournaisis, est resté manuscrit.

La famille éponyme est citée dès 1249, précédant 100 ans plus tard la famille de Werquigneul. Par succession, une branche légitimée de la Maison de Luxembourg garda le fief et ses 26 bonniers (36 ha) jusqu’à sa vente en 1532 à Guillaume Petipas, bourgeois de Lille et grand propriétaire foncier. Son fils, Hippolyte, fit construire une chapelle castrale et légua le domaine à son frère Charles, maïeur de Lille, anobli en 1600. Les trois petits fils de celui-ci, puis ses descendants, furent successivement seigneurs de la Pontenerie jusqu’à la vente en 1788 à Louis Charles de Lespaul de Lespierre. Ses héritiers s’en séparèrent en 1817.

La veuve des deux derniers censiers fut la belle mère de Henri Delattre-Libert, filateur, Maire de Roubaix, et de Joseph Pollet, filateur (ancêtre d’Henri, le fondateur de La Redoute).

Jean Lebas (1878-1944), ministre du travail et Maire de Roubaix, mort en déportation, naquit rue de Denain près du parc et des ruines du manoir sur lesquels ont été bâtis le lycée qui porte son nom et une piscine. L’urbanisation intense du 19e siècle a désenclavé le fief et ses terres en le transformant en quartier de la ville avec des usines et des habitations ouvrières.

Philippe A. RAMMAERT

Beaurepaire et Beaurewart

Le quartier qui s’étend sur les terres des importantes censes de Beaurepaire et de Beaurewart (24 et 33 bonniers, soit 34 et 46 ha) symbolise le combat pour la reconnaissance de Roubaix-Campagne par rapport à l’importance de plus en plus grande de Roubaix-Ville dans la première moitié du XIXe siècle, la lutte entre deux catégories de notables, les fabricants et les censiers.

Le fermier de Beaurepaire n’obtiendra pas l’érection en commune indépendante de la partie rurale qui s’amenuisa d’une manière régulière pour laisser la place à l’extension de l’habitat, destiné à loger la main d’œuvre, venue en masse de la Belgique, et de nombreuses usines s’implantant à proximité du canal, du chemin de fer et d’un quadrillage de voies de communications nouvelles.

L’absence de concertation et de législation appropriée ne permit pas d’imaginer un plan d’urbanisme qui aurait régulé la croissance anarchique qui transforma le bourg en importante ville industrielle en l’espace de 50 ans.

Beaurepaire, qui donna l’appellation du boulevard et du quartier, était le fief de la famille du même nom. Pierre de Surmont, marchand et bourgeois de Lille, originaire de Tourcoing, en devint propriétaire et le transmit à sa fille épouse en 1730 de Pierre de Corbie, conseiller au Parlement, anobli, petit-fils de Pierre de Bischop, bailli de Wattrelos, fondateur de l’hospice des Vieux Hommes, et de Marie Anne Le Zaire, fille du censier de Beaurewart,

Cette dernière cense faisait partie du domaine du seigneur de Roubaix et ses terres avaient été progressivement réunies au début du XVIIIe siècle aux censes voisines. En 1796, Floris Delaoutre-De Frenne, Maire de Roubaix, fit don à la commune d’un terrain, au lieudit « Champ de Beaurewart », qui devint le second cimetière vite abandonné.