Le Discobolos

UNE STATUE AU COEUR DE ROUBAIX

L’art contemporain s’installe à Roubaix

Subversif, c’est l’étiquette que l’on colle généralement à l’artiste belge de renommée internationale Wim Delvoye, connu entre autres pour avoir tatoué des porcs. Aussi, les interrogations étaient grandes quant à l’arrivée prochaine de l’une de ses œuvres dans le square de la Résidence Latine, à l’angle de la rue Saint Antoine et de l’avenue des Nations Unies. 

Cette initiative des habitants du quartier, représentés par leur Comité, s’est faite en collaboration avec Art Connexion, association créée il y a une quinzaine d’années dans le but de soutenir, diffuser et rendre accessible l’art contemporain au plus grand nombre et qui a servi d’intermédiaire entre artiste et commanditaire. Quant à l’étude de projet et à la réalisation de l’œuvre, la Fondation de France les a financées dans le cadre de l’action des « Nouveaux commanditaires » (un programme initié par la Fondation de France, qui permet aux citoyens de passer commande d’une œuvre à des artistes, par le biais d’un médiateur culturel). La mairie, quant à elle, était partie prenante du projet et s’y est associée en procédant au réaménagement complet du square en vue de l’installation de l’œuvre.

Déchaînant les passions et générant parfois la plus vive opposition, le projet aura mis cinq ans pour voir le jour. Inaugurée le 5 juin 2010 en présence de l’artiste, de représentants municipaux et de nombreux habitants, Discobolos a mis tout le monde d’accord, dissipant immédiatement inquiétudes et malentendus.

le discobolos, dans le petit square, rue saint Antoine © EG

Une œuvre classique ?

Le Discobolos dont s’inspire l’œuvre de Delvoye est l’une des icônes de l’art de la Grèce antique. On la doit à Myron, sculpteur athénien du Ve siècle avant J.-C, réputé pour ses représentations d’athlètes. C’est dire à quel point l’artiste a recherché, si ce n’est le consensus, du moins un symbole classique et rassembleur. Delvoye s’est approprié cet emblème de l’olympisme et l’a réinterprété pour nous en proposer la vision d’un artiste de son temps, sa vision. Chez Delvoye, l’athlète lanceur de disque, en pleine action jusqu’à s’enrouler sur lui-même dans une sorte d’anamorphose qui inspire le mouvement et l’élévation. Issu de la série des « Twisted bronze », littéralement les bronzes tordus, notre sculpture s’approprie un symbole fort mais infiniment moins sujet à polémique au regard des christs tordus sur eux-mêmes que l’artiste a récemment fait voisiner aux côtés de deux petites études pour Discobolos en début d’année au Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain, le MAMAC de Nice, lors de l’exposition consacrée aux « dessins et maquettes » de l’artiste belge. Il s’agissait d’évoquer, grâce au thème fédérateur du sport, la cohésion entre différentes communautés et mettre en valeur cet espace convivial au cœur d’un quartier multiculturel tout en symbolisant dialogue et partage.

Ce projet, assez inédit dans son cheminement, montre à quel point la ville de Roubaix et ses habitants sont capables du meilleur. Le Discobolos de Delvoye sera un symbole de plus de l’engagement et de l’ambition culturelle de Roubaix en même qu’une nouvelle icône pour la ville. Elle participe de fait au renouveau de son image, initié par le Musée La Piscine. A Roubaix, l’art semble faire des émules et il faut espérer que d’autres initiatives de ce genre verront le jour.

Germain HIRSELJ