n°22 Mai-Octobre 2017

n°22

Éditorial par Gilles Maury, p.3

Actualité

Nos adieux à nos amis Bernard Schaeffer et Francine Declercq par les membres de la SER, p.6

4e concours photos par Évelyne Gronier-Renaut, p.15

Patrimoine et création

Popol, un personnage de Maxence Van der Meersch croqué par le peintre Léopold Simons par Germain Hirselj, p.16

De Roubaix à Odessa par Évelyne Gronier-Renaut p.19

Rodolphe Giot, restaurateur de patrimoine par Évelyne Gronier-Renaut p.20

Dossier

Chronique du Cartigny, une rue, des histoires par Germain Hirselj, p.22

Le Philippe, horticulteurs par Germain Hirselj, p.40

Grande Guerre, épisode 6

Roubaisiens et réfugiés ; Souvenirs de guerre inédits, présentés par Gilles Maury, p.47

Georges Selliez par Philippe Waret, p.56

Abonnement, adhésion, anciens numéros, p.59

Le Tilleul et Courcelles

Le TILLEUL
Ce fief tenu de la Seigneurie de Roubaix à un chapon de relief consistait en un carrefour de chemins avec tous les profils d’un tilleul qui était planté et que le possesseur avait le droit de remplacer sans autrement entraver le chemin.
Au 16e siècle, Martin SORYS, Guillaume du PRET, Guillaume POLLET et son fils Gilles possédèrent successivement LE TILLEUL.
Le recensement de 1763 attribue 28 ménages au THILLOEUIL et la cense TIERS DUTHOIT se trouvait au chemin du Tilleul. Ce hameau se situait au carrefour des actuelles rues de Lannoy et Jules Guesde (cette dernière s’appelait auparavant rue du Tilleul).
En 1867, le propriétaire, Roger DESREUX accepte la suppression du Tilleul et la démolition de la chapelle Notre-Dame de la Délivrance, à la condition que celle-ci soit reconstruite à l’identique un peu avant le croisement. Cette chapelle, qui contient une Vierge habillée à l’espagnole cachée sous un manteau de bois, est toujours visible, rue Jules Guesde, engoncée dans l’alignement des maisons.
 
COURCELLES
Il était divisé, en 1441, en deux fiefs du même nom : l’un de sept bonniers neuf cents, tenu successivement par Jacques de LESPIERRE, Willaume du PRET, Simon FOURNIER, Demoiselle Marguerite de Passy ; l’autre de 6 bonniers tenu par Jean du Bos de Tourcoing, auquel succéda Willaume de LESPIERRE.
En 1458, Jean CARPENTIER, seigneur de la Vigne en devient le possesseur. Onze bonniers furent commués en terres renteuses, les deux bonniers restants comprenant une motte amassée de maison, grange, étables et autres édifices, le tout enclos de fossés : chaingles, jardins, hayes et prés, quelques rentes et l’exercice de la justice vicomtière.
Notre rue de Courcelles qui part de la rue de Lannoy pour se terminer rue Pierre de Roubaix est tracée sur l’ancien chemin qui menait à la cense.
En 1520, le Censier de Courcelles est de ceux qui vont quérir des pierres à Lezennes pour l’église de Roubaix.
Le 21 avril 1766, Charles Auguste Joseph Farvaque d’Haubourdin, seigneur de Courcelles, accorde à bail la ferme ne contenant plus que trois bonniers sept cents au prix annuel de 180 florins.
 
 Francine DECLERCQ

L’école Blaise Pascal

Au cours du 19e siècle, l’éducation des enfants devient peu à peu une préoccupation majeure de la société française. A Roubaix, la construction de nos écoles jalonne l’histoire de notre ville et l’éducation de nos jeunes Roubaisiens devient un souci constant pour les municipalités successives.

Cette nouvelle rubrique nous emmènera flâner à travers la ville sur les traces de ces bâtiments qui ont tant marqué la jeunesse de nos concitoyens.

Arrêtons-nous cette fois-ci rue des Anges, devant l’école Blaise Pascal. Malgré les nombreux aménagements et la disparition des jardins, les trois bâtiments primitifs ont été préservés et forment aujourd’hui encore, un très bel ensemble d’architecture scolaire, fonctionnel et hygiéniste, de la fin du 19e siècle.

Son histoire commence par un rapport de la Commission des Ecoles qui constate l’absence de lieux scolaires dans le quartier du Fontenoy. Pour y remédier, la municipalité roubaisienne achète en 1872 à Monsieur Flipo-Meurisse, un terrain d’une superficie de 2.770 m², situé entre la rue des Anges et de la Guinguette. Jusque-là, les enfants pouvaient aller à l’école de la rue Turgot qui était assez éloignée. Les parents hésitaient souvent à les y envoyer car les chemins étaient difficiles et peu praticables notamment en hiver. A cette époque, la ville de Roubaix est confrontée à deux problèmes qui ralentissent la scolarisation des enfants. D’une part, l’importance de sa croissance démographique nécessite la construction de nouveaux groupes scolaires. Or, les moyens de financement n’existent pas. Il faut attendre 1870 pour que la ville de Roubaix soit autorisée par l’Etat à prélever des taxes d’octroi sur certains produits entrant dans la ville. D’autre part, il faut inciter les familles à envoyer leurs enfants à l’école car si celle-ci est gratuite, elle n’est pas encore obligatoire.

Un premier projet est établi. La Commission des Ecoles Publiques, après avis du Conseil Académique qui demande certaines modifications, visite le groupe scolaire de la rue de Soubise, présenté comme le type même des nouvelles écoles à construire à Roubaix et dont les plans sont approuvés par la Commission Départementale des Bâtiments Civils. La Commission demande alors au Conseil Municipal de Roubaix, d’abandonner ce premier projet « d’une part, la hauteur présente des inconvénients graves en temps ordinaire et surtout en cas d’incendie et d’autre part qu’il ne convient pas d’agglomérer sur un même point une aussi grande quantité d’enfants et qu’il est préférable de construire un plus grand nombre d’écoles plus petites, même si la dépense doit en être augmentée, de manière à donner aux familles toute possibilité d’y envoyer leurs enfants et à placer ces enfants eux-mêmes dans des conditions plus hygiéniques. » (AM Rx MIVc7 – Commission des Ecoles Publiques, rapporteur M. Leclercq-Mulliez)

Le second projet est mené par J. Bte Godey, Directeur des Travaux de la Ville de Roubaix puis Henri Deniau, son successeur. Il concerne la construction de deux écoles avec le même budget. L’une, située rue des Anges, comprend une école, un asile, une crèche et un bâtiment d’habitation pour douze institutrices religieuses et une école de garçons, rue de Brézin, avec une maison d’habitation pour un directeur laïc.

La façade principale rue des Anges déploie une belle symétrie sur 49 mètres de large. Les deux bâtiments en front à rue, sur trois niveaux d’élévation, sont agrémentés de superbes frontons représentant les armes de la ville entourées des symboles de l’instruction. L’habitation des institutrices est conçue pour une communauté religieuse. L’entrée à gauche donne sur un large couloir qui mène au parloir, une salle de travail, l’escalier et une grande cuisine avec une relaverie, puis un grand réfectoire. A l’étage la disposition est la même mais on y trouve l’infirmerie, une salle d’exercice, un dortoir pour 12 sœurs, une chambre pour la mère supérieure et une lingerie. Un jardin de 140 m² complète l’organisation de l’habitation.

La crèche dont l’entrée se fait par l’allée de droite comprend un corridor, une grande cuisine, le pouponnat avec la pharmacie et des lavabos, un large escalier, un petit parloir, une salle d’allaitement, une salle des berceaux pour 24 enfants et le jardin pourvu d’une galerie permettant de sortir les enfants à l’ombre. A l’étage se situent un dortoir pour quatre bonnes, un grand ouvroir et une lingerie. Les deux bâtiments ont des caves pourvues chacune d’une grande citerne qui récupèrent les eaux de pluie utilisées pour le lavage des locaux et du linge.

L’asile (Ecole maternelle) est au rez-de-chaussée du bâtiment arrière. Il est composé de deux grandes salles, largement éclairées et aérées par de larges et hautes baies de part et d’autre du bâtiment. Elles sont munies, suivant l’usage de l’époque, de gradins, de bancs et de portemanteaux. L’école comprend six classes au premier étage. Elles sont prévues pour 50 élèves, au plus 58 grâce aux nouvelles tables à deux élèves adoptées récemment par l’administration municipale. Très hautes de plafond pour donner un volume d’air suffisant à chaque élève, elles sont munies de nombreuses baies sur les deux façades ce qui donne d’excellentes conditions d’aération et d’éclairage bénéfique à la santé des élèves. Les galeries métalliques, soutenues par de fines et harmonieuses colonnes superposées en fonte courent le long de la façade et permettent une bonne circulation des élèves tout en protégeant des intempéries.

Les cours de récréation sont entourées de trottoirs. Elles sont pavées et plantées d’arbres ce qui permet aux élèves de s’ébattre agréablement au grand air.

On ne peut qu’être impressionné ici par le soin apporté à la construction, le souci de la qualité des matériaux, la fonctionnalité rationnelle des bâtiments mais aussi tout le processus de réflexion sur l’hygiène et le bien-être des élèves qui en fait un modèle éducatif de modernité et de mieux être social de cette époque.

Le groupe scolaire de la rue des Anges ouvre le 9 avril 1877. En 1882, les écoles publiques de filles de Roubaix sont laïcisées. Leur maison est transformée en appartements pour les directrices de l’école primaire et de l’école maternelle.

L’école est un lieu d’apprentissage et répond aux besoins spécifiques des habitants du quartier. Des cours communaux du soir sont organisés de 18 à 19 heures 30 pour les enfants des manufactures tous les jours sauf les lundi et jeudi. Un cours de coupe, de couture et d’assemblage fonctionne les mardi, mercredi et jeudi de 19 à 21 heures pour les jeunes filles intéressées après leur travail.

Marie-Thérèse DECLERCQ (1925 – 2006) : « La Dame des Anges »

Née le 10 août 1925 à Roubaix, Marie-Thérèse Declercq entre à l’Ecole Normale de Douai où elle suit la formation professionnelle pour devenir institutrice de 1947 à 1948. Elle est ensuite nommée institutrice à l’école maternelle de la rue des Anges dans ce quartier ouvrier de Roubaix où elle enseigne à des enfants essentiellement issus de l’immigration. Elle y deviendra directrice de l’école maternelle de 1954 à 1959. Dès le début de sa carrière, elle aura à cœur de défendre les enseignants mais aussi les élèves. Son action auprès des enfants lui vaudra d’ailleurs le surnom de « Dame des Anges » par un père d’élève d’origine algérienne.

Tout au long de ces années, elle aura l’occasion de prouver tout son intérêt pour l’Ecole publique et c’est cette conviction pour la défense de la laïcité qui l’amènera tout naturellement à s’investir dans le syndicat national des instituteurs (SNI) dès 1950, elle avait alors 25 ans. C’est en 1959 que son engagement pour le service public de l’Education nationale prendra tout son ampleur notamment lorsqu’elle choisira de s’investir dans le secteur social. C’est ainsi qu’elle est mise à disposition pour la section MGEN de Lille et devient directrice adjointe en septembre 1959. Dans le même temps, elle entreprend une formation d’assistante sociale qu’elle réussira brillamment ce qui lui permettra de créer à la section MGEN du Nord le « Service social secteur Nord » puis le « Service d’aide ménagère ».

Mais son engagement ne s’arrêtera pas là. Femme de conviction, elle mettra son militantisme au service de l’ADOSEN du Nord (à l’époque Association des donneurs de sang de l’Education nationale) ainsi qu’à la section APAJH du Nord (Association pour les jeunes en situation de handicap). Elue au conseil d’administration national de la MGEN de 1967 à 1977 elle deviendra responsable du service social du siège national de 1970 à 1977. Elle consacrera également son temps à s’occuper de personnes en situation de handicap dans l’établissement MGEN de la Ménaudière.

Le 28 juillet 1971, le Ministère de l’Education nationale reconnaîtra ses mérites et récompensera son engagement social en la nommant « Chevalier dans l’Ordre des Palmes académiques ».

Elle quitte Paris et réintègre le département du Nord en septembre 1977 pour se rapprocher et s’occuper de ses parents malades et se verra confier la direction du futur « Centre de santé mentale » de Lille qui ouvrira en mai 1978. Elle en assurera la direction jusqu’en 1983, date à laquelle elle fera valoir ses droits à la retraite.

Marie-Thérèse Declercq s’éteint le 14 janvier 2006. Une foule nombreuse de sympathisants MGEN et de l’Education nationale viennent rendre le 20 janvier dernier un dernier hommage à celle qui laisse derrière elle le souvenir d’une militante généreuse et tolérante dont le seul souci était le bien-être des autres.

Sources :

Archives personnelles de la famille Michel et Francine Declercq – Roubaix

Martine Dromby, Directrice de la section MGEN du Nord, Animatrice Nationale

Archives de la Société d’Emulation de Roubaix