Le cinéma à Roubaix

L’aventure du cinéma commence à Roubaix en avril 1896…

On sait que la première projection du cinématographe Lumière eut lieu à Lille dans une salle de la rue Esquermoise le 14 avril 1896. Le Journal de Roubaix annonce qu’il sera à Roubaix le 27 Avril 1896 dans la grande arrière salle d’un estaminet du 10 de la rue Neuve, qu’occupe la société de gymnastique l’Ancienne.

Même si c’est Edison qui est crédité dans l’article, il s’agit bien du cinématographe Lumière pour les raisons suivantes : tout d’abord le kinétoscope est un appareil de projection qui ne peut être utilisé que par un spectateur à la fois, moyennant une pièce, dans l’esprit des machines à sous. Ce sont bien les frères Lumière qui vont développer le spectacle de projection de groupe.

D’autre part, il semble, d’après les titres annoncés au programme de la projection et présentés dans l’article de notre journaliste qu’on soit bien en présence des films Lumière : l’Arrêt d’un train, la Descente des Voyageurs, qui correspondent aux films tournés et présentés en 1895 par les deux inventeurs, de même que l’Entrée dans un port, filmé à Boulogne sur mer.

D’autres films complètent le programme, parmi lesquels, une scène d’opéra ou de comédie, un corps de ballet avec les danses les plus compliquées, un forgeron qui bat le fer sur son enclume. Plus locaux sont les films sur les jeux de bourles, combats de coqs ou les prises de vues de Roubaix : la grand’place et la rue de la gare au moment où il y a le plus d’animation.

Il est sans doute de l’intérêt des fabricants de cinématographes de vendre leur appareil, d’où la tentative de familiarisation avec l’utilisation voisine de la photographie. Une fois passée la surprise de la découverte du mouvement, avec des thèmes frappants comme le train, le bateau, symboles du mouvement et du voyage, c’est la vie de tous les jours qui devient l’attraction. Plus que la photographie et ses réalisations figées dans le temps et l’espace, le cinématographe ouvre l’espace du mouvement.

Un article du 3 août 1896 nous indique que le cinématographe n’est pas encore entré dans les mœurs. Sous le titre Kinématographe, curieux mélange de kinétoscope et cinématographe, le journaliste fait un historique, en évoquant la chronophotographie du Douaisien Marey, puis en donnant des explications très scientifiques du matériel, des matières utilisées, allant jusqu’à expliquer le phénomène rétinien à l’origine de l’illusion du mouvement.

On apprend également par cet article que de grandes affiches aux couleurs très voyantes ont attiré les regards des premiers spectateurs. Il s’agissait donc bien d’un spectacle de groupe -on a affiché comme pour le théâtre- et non plus une curiosité uniquement scientifique et individuelle…

 

Philippe WARET

On lira avec bonheur l’ouvrage « Les cinémas de Roubaix », d’Alain Chopin et Philippe Waret

paru aux Éditions Sutton en avril 2005