Les ducasses à pierrots

Au début du XXe siècle, avec l’arrivée des interminables hivers et de leurs longues soirées, reviennent les ducasses à pierrots. C’est une vieille coutume, bien locale, que l’on retrouve à Lille et aux environs. A Roubaix, en tout cas, son origine se perd dans la nuit des temps. C’est une coutume très populaire qui sert de prétexte, dans une saison maussade où l’on ne sait que faire des ses soirées, « à de gaies réunions et à d’honnestes beuveries ».

Pour annoncer la ducasse à pierrots, le cabaretier accroche à son enseigne une branche de sapin ou de verdure quelconque à laquelle il attache une lanterne vénitienne allumée et un morceau de charcuterie… en carton qui ressemble autant à du boudin qu’à de la saucisse ! Là n’est pas l’important. Le passant sait qu’il trouvera ici le réconfort d’un accueil chaleureux, la ducasse à Pierrots.

Dans la salle de l’estaminet, une grande table d’hôte accueillante est dressée, ou bien, ce qui est plus fréquent, toutes les petites tables du débit ont été garnies de couverts. La nappe est un luxe qu’on ne rencontre pas souvent et donne un petit air de fête. Peu à peu, les amateurs arrivent et la salle se remplit de monde. Il n’est pas rare de voir, ainsi réunies trente, quarante, cinquante personnes et plus qui viennent se payer, à peu de frais, le plaisir d’un frugal repas en nombreuse et joyeuse compagnie.

Les convives, à peine installés à table, se voient apporter une portion fumante et appétissante composée invariablement de haricots mariés à une saucisse qui est l’élément indispensable des ducasses à pierrots. Le pierrot, c’est un bout de saucisse d’une dizaine de centimètres de longueur, un peu plus grosse que celle débitée à la livre chez le charcutier du coin. Elle est toujours accompagnée de haricots bien chauds et fort souvent, aussi, de pommes de terre. La portion, y compris un morceau de pain et une chope de bière coûte de 10 à 12 sous. Le menu, bien évidemment, varie selon les maisons. Accompagnant le pierrot et la saucisse, on vous servira parfois de l’andouillette, du pied de porc, du boudin, et même du lapin, mais c’est surtout la cochonnaille qui est, avec le haricot, la reine de la fête. Le tout étant fort assaisonné, on boit des chopes et encore des chopes, et c’est un appréciable bénéfice pour le cabaretier qui a organisé la ducasse à pierrots.

Chaque estaminet a son tour, ou plutôt, une série de jours où le pierrot cuit en permanence avec les haricots comme garde d’honneur. C’est le samedi, le dimanche et le lundi. Souvent même, le cabaretier annonce à ses clients que le jeudi suivant on mangera « la grosse ». Pour les remercier de leur visite, il leur offre un morceau de plus grosse saucisse. Ne voulant pas être en reste de politesse, les consommateurs se font servir des chopes, le café et le pousse-café. C’est encore et toujours l’occasion d’une nouvelle fête…

La vogue de la ducasse à pierrots est restée de longues années un divertissement simple et peu coûteux très apprécié par les Roubaisiens.

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