Les marionnettes

Le thème d’étude de notre 31e Congrès présente au regard de Roubaix un point d’histoire intéressant : il s’agit des théâtres de marionnettes qui furent nombreux et dont la spécificité, la vie, et maintenant le renouveau, en firent un sujet qui mérite notre attention.

Il y eut des théâtres de marionnettes à Amiens et à Lille mais leur implantation à Roubaix et leur développement furent particulièrement importants. Le plus ancien connu serait celui qui était exploité dans le quartier du Moulin vers 1828 par un nommé Flamencourt, associé à Joseph Couvreur.

PIERRE-JOSEPH COUVREUR

Pierre-Joseph Couvreur, né à Hérinnes près de Tournai le 8 février 1808, était venu à Roubaix à l’âge de 9 ans. D’abord bâcleur, il passa rattacheur puis fileur. Un de ses camarades, Henri Flamencourt, un belge aussi, né à Hollain, était fileur comme lui. Pendant leurs loisirs, ils taillaient, au couteau, dans le bois, des têtes de marionnettes qu’on appelait alors « marmousets » et que leurs épouses habillaient grossièrement. Les deux vedettes de leur théâtre étaient Jacques et Cousin. Pierre-Joseph Couvreur les mettait en scène dans des pièces de sa composition : drames et vaudevilles.

La première eut lieu dans la rue du Moulin. Plus tard, le théâtre sera installé dans le Fort Bayart, rue Saint Antoine. Le Fort, à Roubaix, était un ensemble important de maisons disposées en carré ou en triangle, laissant un grand espace central. Ensuite, installation dans un grenier de la rue du Temple (maintenant rue Emile Moreau). En 1848, Couvreur sacrifie ses économies et emprunte pour fonder un vrai théâtre, rue du Fontenoy dans un hangar du Fort Wattel, derrière l’estaminet « Au Réveil du Jour ». Cet établissement sera connu sous le nom de théâtr’Roian (de roitelet, petit roi, sobriquet que Couvreur devait à sa petite taille). Avec le temps, ce spectacle va dépérir et Couvreur se consacrera au théâtre d’acteurs.

LES BELGES ET LE THEATRE DE MARIONNETTES

A partir de 1850, les théâtres de marionnettes se succédèrent sans interruption. On en a recensé plus de cinquante jusqu’en 1910, avec des fortunes diverses, dans les vieux quartiers ouvriers du Cul de Four et du Fontenoy, où habitait la plus grande partie de la population belge. C’est là qu’il faut trouver l’origine des marionnettes roubaisiennes.

L’afflux des ouvriers belges se fit à partir de 1820 à Roubaix. Les nombreuses demandes d’ouverture de ces petits théâtres, que l’on trouve aux Archives municipales, portent invariablement le nom des nouveaux immigrants wallons ou flamands. Il s’agit pour eux de compléter un salaire médiocre, ou de pouvoir subvenir à l’entretien de leur famille, étant malade ou handicapé.

Ainsi Henri Gisverdale avait été accidenté aux yeux, et se trouvait sans travail. Henri Genterdaele, ancien ouvrier menuisier, atteint d’une grave affection de la vue, était sans travail depuis 7 ans. Polydore Vandenbosche, ancien tisserand, était incapable de travailler avec une femme phtisique.

LE THEATRE DE MARIONNETTES A ROUBAIX

Nous empruntons tous les détails de la description de ce que fut le théâtre de marionnettes à Roubaix, à un manuscrit inédit de Charles Bodart-Timal intitulé « Le Théâtre Populaire à Roubaix et Tourcoing ».

Les théâtres de marionnettes avaient pour cadre soit une baraque rudimentaire au fond d’une cour ou d’une impasse, soit un grenier, mais, le plus souvent, les propriétaires utilisaient pour leurs représentations ce qu’on est convenu d’appeler chez nous « la pièce du devant ».

Les spectateurs s’y trouvaient assis sur des bancs de bois à peine équarris, disposés en gradins dans une atmosphère lourde et poussiéreuse, sans aucun confort ; la population ouvrière s’y donnait rendez-vous. On a pu recueillir quelques-uns des refrains que chantaient, lors des entractes, les spectateurs dans ces différents théâtres. C’est ainsi qu’au théâtre Desmettre où un portier faisait la police, on disait à son adresse :

Et au théâtre Desmettre

J’ai un nouveau porti

Avec que s’longu’badjette

Y vous tue à monti.

Au théâtre Lecocq, rue des Longues Haies, appelé encore « le Théâtre des enfants du Nord », on chantait, sans doute en raison de ce qu’on y vendait :

Tchi qui veut des moules                                  

Et des marmoulettes ?                          

Des penn’terre à l’p’lure

Et des saurets sans tête.

Traduction :

Qu’est-ce qui veut des moules ?

(des grosses de Hollande)

Et des petites moules

(celles de Wimereux)

Des pommes-de-terre à la pelure

Et des harengs sans tête.

Au théâtre Louis, comme partout ailleurs, on répétait en chœur avant la bamboche (petite pièce comique jouée avec des personnages d’expression patoisante), qui devait clôturer la séance, sur l’air du Clair de la Lune :

Acore in boboche

Et in s’in ira

Mets tes sous dins t’poche

Et in arven’ra !

Ces théâtres de marionnettes disparurent un à un à partir de 1900 ; l’avant-dernier, le théâtre Eugène Mahieu, rue Ma Campagne, ferma ses portes en 1910. Un seul résista à la débâcle, le théâtre Louis qui, malgré une certaine désaffection due à l’apparition du cinéma, put encore donner des séances régulières jusqu’au mois de mai 1940.

Le combat de coqs de Cogghe

Si le nom de Cogghe demeure dans la mémoire septentrionale, c’est en grande partie grâce à son tableau le célèbre «  Combat de coqs en Flandre française  » (1) aujourd’hui conservé au Musée d’art et d’industrie  » La Piscine  » André Diligent.

La saison des combats qui va du premier dimanche de septembre au mardi de la Pentecôte est importante pour Roubaix qui ne compte pas moins de 50 sociétés de coqueleux et une trentaine de parcs à la date de réalisation de ce tableau 1889. « Le coq gaulois », qui ne paraît que pendant cette période, renseigne parieurs et amateurs des horaires et lieux de combats.

Les travaux préparatoires, élaborés pour cette œuvre importante dans une taille restreinte, permettent une mise en place rigoureuse de la composition. Les croquis pris sur le vif à l’habitude de l’artiste, indiquent que dans ce cas le décor a été scrupuleusement respecté, mais qu’il n’en va pas de même pour les personnes représentées. Cogghe fréquentait le  » gallodrome  » de la rue du Vieil Abreuvoir où il louait un atelier. Est-ce le théâtre de cet affrontement des valeureux volatiles ?

 

 

Qui assiste à ce combat ?

Par l’intermédiaire d’une scène anecdotique, Rémy Cogghe va nous brosser les portraits des diverses personnalités roubaisiennes de son entourage. Ce que nous décrit Rémy Cogghe est inspiré de ses amitiés et de ses loisirs.

Un article du Journal de Roubaix de 1909 nous révèle quelques noms de ceux qui assistent à ce combat singulier en un temps où la place tenue par l’argent permettait encore ce mélange du prolétariat et de la bourgeoisie autour des mêmes loisirs… « d’autres figures bien connues des Roubaisiens de l’époque se trouvent sur cette toile : Messieurs Bertin, Georges, Mille, Jules Broux, Emile Vandepeut, Emile Verfaille, Achille Florin. « 

Henri Florin que l’on trouve au premier plan debout, attentif au déroulement du combat, avait son atelier de graveur-lithographe dans cette même rue. Son frère Achille, délégué cantonal de l’instruction primaire, ancien adjoint au maire de Croix, Henri Pluquet, voisin du peintre professeur aux écoles académiques de Roubaix (2). Emile Bouzin assiste aussi un peu plus haut à la bataille acharnée qui se livre plus bas. De part et d’autre d’Henri Florin, Monsieur Seÿs et Monsieur Senelar, que beaucoup confondent avec Victor Hugo. Moïse Farvaque à l’extrême droite, propriétaire du Café des Arcades (qui abritait un gallodrome sous ses combles et dont Cogghe était un assidu), est le voisin de l’ami fidèle de Rémy Cogghe : Abel Letombe, l’homme au chapeau haut de forme, penché en avant.

Notez la variété des couvre-chefs que Cogghe – qui portait bien souvent le chapeau melon – a représentés. Ainsi Paul Crombé (frère cadet de Jules, le fournisseur des artistes déjà installé rue Nain) nous interpelle avec ce canotier qu’il arbore au deuxième rang à la gauche du tableau.

La première société officielle de coqueleux, agréée par la Préfecture en 1859, a son siège rue du Grand Chemin, au Pré catelan, chez M. Delaplace. Alphonse Vaissier (3) fait partie des membres de cette société dès sa création. C’est lui qui rédigera et fera imprimer les règles des combats. A ce titre, sa place dans le tableau n’est que justice. On le reconnaît avec son haut de forme sur la diagonale du tableau qui, passant au milieu des deux coqs furieux, le place juste derrière Henri Florin.

Il ne faut pas oublier que les combats donnent lieu à des paris, ce que Cogghe n’omet pas de nous montrer au plein centre de la foule par cette main anonyme qui se tend vers le haut.

A droite au-dessus de M. Farvaque, Messieurs Vandepeut, Duforest, Verfaillie.

Le coin supérieur gauche du tableau rassemble quelques membres de la famille Letombe : au centre, Celer, le père, professeur de Rémy Cogghe aux écoles académiques de Roubaix. A son côté, Léon, son second fils, appuyé à une poutre ; c’est le demi-frère d’Abel Leblanc. Et de l’autre côté le beau-frère de Celer, M. Mille-Florin. (Monsieur Letombe ayant épousé une Florin, sœur de Madame Mille. Sont-elles sœurs des frères Achille et Henri Florin ?)

Au-delà de l’attention au réel, de la précision des détails, du goût des matières qui retiennent l’œil et traduisent le savoir-faire de l’artiste, l’œuvre de Cogghe montre le caractère sociable et bon du Roubaisien. Les qualités traditionnelles qui ont permis de créer la puissance industrielle de Roubaix, ardeur, énergie, tradition se retrouvent en filigrane dans ces multiples portraits.

Par cette description objective de la société dans laquelle il vivait, Rémy Cogghe essaie de donner l’image la plus précise possible de celle-ci et nous présente le monde dans sa réalité. L’œuvre reste la pièce maîtresse de Cogghe et fera référence pour les critiques artistiques du XIXe, faisant couler beaucoup d’encre lors de son exposition au Salon de Paris. Aujourd’hui encore les journalistes s’y réfèrent lorsqu’ils parlent du peintre.

Dominique VALLIN-PITEUX

administratrice de la Société d’Émulation de Roubaix

 

(1) Legs Selosse

(2) Qui deviendront par la suite ENSAIT

(3) Vaissier frères,  » le savon du Congo « 

Service de nuit au 19e siècle

En 1881, le Conseil Municipal de Roubaix décida d’étudier la mise en place d’un service médical de nuit destiné à faire face aux besoins de la population dans le domaine des soins d’urgence aux malades et aux accouchements. Cette décision était motivée par l’insécurité qui régnait dans la ville dès la nuit tombée, comme dans toutes les grandes cités à la même époque, et dont on peut trouver le témoignage par la lecture de la presse locale de la fin du 19e siècle.

Pour mettre au point ce service, il fut d’abord décidé de consulter les autres villes françaises ayant mis au point une organisation de ce genre et le dossier conservé aux Archives municipales de Roubaix contient les réponses détaillées des villes de Rouen, Le Havre et Lyon ainsi qu’une lettre de la municipalité d’Amiens qui précise qu’aucun service analogue n’existe dans sa ville. Après ces consultations, la Ville de Roubaix décida la création d’un service médical de nuit qui fut institué par l’arrêté municipal du 2 juillet 1881.

Ce service répondait aux quatre préoccupations suivantes :

1 – Etablir une liste de médecins et de sages-femmes s’engageant à effectuer le service de nuit ;
2 – Assurer la sécurité des praticiens qui se rendent au chevet des patients ;
3 – Fixer les honoraires des soins donnés ;
4 – Garantir le paiement des honoraires au besoin en se substituant sur ce point au malade, quitte à procéder par tous moyens légaux au recouvrement des sommes dues.

Il en résulta un arrêté municipal adopté le 16 septembre 1881.
Ce service devait dans l’ensemble donner satisfaction aux usagers, patients, médecins et sages-femmes ; les problèmes venant surtout des taux des honoraires qui furent rapidement contestés par les médecins qui les trouvaient insuffisants.

Au fur et à mesure que les années passent, on voit ainsi les rétributions des intervenants évoluer selon le tableau succinct que nous avons établi : les tarifs de 1898 étaient encore en vigueur à la veille de la guerre de 1914. A titre de comparaison, nous dirons qu’à la fin du 19e siècle, un kilo de pain de ménage coûtait de 35 à 40 centimes et que le salaire d’une journée de travail (10 à 12 heures) d’un tisserand était payé de 3 francs 50 à 4 francs 25 (il s’agit du salaire courant, celui-ci pouvant varier selon la qualification).

Après la guerre 14-18, le prix d’une visite de nuit par un médecin était fixé à 24 francs. Nous n’avons pas d’indication sur le taux de vacation des sages-femmes à cette période, il semble d’ailleurs que les accouchements d’urgence étaient alors plus fréquemment orientés vers la maternité de l’hôpital. Les difficultés les plus importantes rencontrées par la Municipalité de Roubaix dans le fonctionnement du service médical de nuit survinrent à propos des honoraires que le patient ne payait pas au moment des soins et dont l’administration faisait l’avance en vertu du règlement du service. La récupération de ces sommes donnait lieu à de nombreux litiges et contestations et son budget gonflait démesurément.

Au départ, le Conseil Municipal avait voté en 1881 un crédit de 600 francs (pour un trimestre puisqu’il fonctionnait à partir du 26 septembre). En 1887, le crédit qui avait été porté à 5 000 francs s’était révélé insuffisant et il avait fallu voter le 21 février 1888, une rallonge de 1 365 francs. Devant l’inquiétude des conseillers municipaux, une enquête fut ordonnée dont les conclusions furent les suivantes :

1 – Multiplication des sommes irrécupérables, soit que les débiteurs sont considérés comme insolvables ou indigents, soit qu’ils n’aient pu être retrouvés, étant « partis sans laisser d’adresse »;

2 – Irrégularités à propos des accouchements des femmes assistées par le Bureau de Bienfaisance à propos desquels deux cartes de remboursement étaient parfois établies, l’une avant l’accouchement par le Bureau de Bienfaisance, l’autre par le service médical de nuit si l’on faisait appel à lui pour intervenir auprès de la parturiente. Il en résultait que certains accouchements dont le prix aurait dû être à la charge du Bureau de Bienfaisance, avaient été imputés sur le budget du service médical de nuit.

Pour remédier à ces anomalies, le Conseil municipal lors de sa réunion du 12 juillet 1889, adopta un arrêté précisant que l’accouchement étant chose prévue, nul ne pourra requérir l’office d’une sage-femme s’il n’est muni d’une carte préalablement délivrée par le Maire ou par le Bureau de Bienfaisance, à moins qu’il ne solde d’abord le prix de la vacation.

En 1913, le fonctionnement du service médical devait coûter 6 679 francs.

Parallèlement à ce service médical de nuit, la municipalité avait créé par arrêté du 15 décembre 1882, un service pharmaceutique de nuit qui fonctionnait de la manière suivante : des boîtes de secours étaient déposées dans les différents postes de police et placées sous la surveillance des chefs de postes. Les médicaments et objets contenus dans ces boîtes étaient fournis par l’administration des hospices, ils devaient servir à donner les premiers soins aux blessés et aux personnes qui tombaient malades sur la voie publique.

Après la guerre de 1914-1918, et à plus forte raison après celle de 1940-1945, le développement du téléphone puis de l’automobile modifièrent totalement les besoins des particuliers en matière de soins d’urgence bien qu’on retrouve certaines analogies de nos jours dans les services assurés la nuit par les pharmaciens avec l’intervention de la police et les services d’urgence actuels.

Une autre préoccupation du Conseil Municipal de Roubaix  se porta en 1884 sur le problème du transport des blessés et des malades, particulièrement des contagieux.

Le nouveau Conseil Municipal élu en 1884 comprenait en son sein deux médecins : les docteurs Isidore Carette et Henri Derville.

Lors de la séance du 4 juin 1884 ce dernier exposa les problèmes posés par le transport des malades de leur domicile à l’hôpital. Selon ses indications, les familles faisaient appel à des fiacres qui, outre qu’ils n’étaient absolument pas équipés pour ce service, ne subissaient  aucune désinfection et pouvaient tout aussi bien prendre un autre client immédiatement après avoir déposé à l’Hôtel-Dieu un malade contagieux. Selon le Docteur Derville, les draps et housses des fiacres étaient de véritables dépôts de microbes.

Il soulevait également la question du transport des accidentés sur la voie publique pour lesquels aucune organisation  n’était prévue. Il décrit ainsi ce qui se produit : « Il faut d’abord trouver un médecin, puis aller chercher une civière, parfois à une demi-heure de distance et seulement alors transporter le malade qui ne reçoit des secours qu’après plusieurs heures de souffrance. Pensez aussi que cette civière, portée par des gens qui n’en ont pas l’habitude, reçoit un mouvement de cahot propre à tuer le malade avant son arrivée. »

Le Docteur Derville proposa la création à Roubaix comme il existait déjà à Bruxelles, à Paris et dans quelques grandes villes européennes, d’un service d’ambulance qui serait stationné en permanence à l’Hôtel de Ville, prêt au départ avec des chevaux affectés à son usage et auquel on ferait appel en cas de besoin par l’intermédiaire du poste de police le plus proche de l’habitation du malade ou de l’endroit de l’accident.

Les postes de police étant reliés par téléphone à l’Hôtel de Ville, on devrait ainsi  disposer d’une organisation efficace. Cette communication fut jugée du plus haut intérêt par le Conseil qui chargea la commission adéquate de l’étudier, ce qui fut fait sans tarder car le dossier conservé aux Archives communales contient les échanges de correspondance en 1884 et 1885 avec l’Assistance Publique de Paris et le service d’Hygiène de l’administration communale de Bruxelles et des renseignements intéressants sur ce qui se pratique dans ces capitales. On y apprend que le 14 octobre 1882, la Préfecture de Police de Paris avait créé un service de transport des malades et que plusieurs voitures spéciales y avaient été affectées et remisées dans les dépendances de l’Hôtel Dieu à cet effet.

Par la suite, le 2 juin 1888, fut créé, à Paris, une organisation privée appelée « Œuvres des ambulances urbaines » dont le but était de porter secours, dans le plus bref délai possible, à toutes les victimes d’accident, de maladies subites, de tentatives de meurtre ou de suicide, survenant sur la voie publique, dans les lieux publics, dans les ateliers, théâtres, chantiers, manufactures, usines et arsenaux.

Cette organisation due à l’initiative du Docteur Nachtel, bénéficiait du patronage de nombreuses personnalités de l’époque dont Louis Pasteur, Armand Fallières, Waldeck-Rousseau, etc. Elle était installée à l’Hôpital Saint Louis de Paris et ambitionnait l’ouverture de nouveaux postes qui devaient lui permettre de couvrir tout le territoire de la capitale.
En ce qui concerne Bruxelles, l’administration belge déclarait qu’elle utilisait essentiellement des hamacs montés sur deux roues dont étaient dotés tous les bureaux et postes de police et dont la maniabilité et la légèreté se prêtaient parfaitement à tous les transports de blessés et de malades.

Parallèlement à ces contacts avec les administrations, la municipalité roubaisienne entrait en correspondance avec les fournisseurs éventuels de voitures et de brancards susceptibles de répondre à ses besoins. C’est ainsi qu’on trouve dans le dossier des Archives municipales de Roubaix la proposition du 4 novembre 1884 de l’entreprise Kellner, sise 109, avenue Malakoff à Paris, pour une voiture automobile adaptée spécialement au transport des malades et des blessés et aussi l’offre du 15 mars 1885 de la Manufacture spéciale pour la fabrication de voitures et engins de secours, sise, 18, avenue de la Reine à Bruxelles qui présente un appareil léger pour transporter les blessés et les malades sans avoir besoin de les déranger pour passer là où un véhicule roulant ne peut avoir accès. Nous le reproduisons ci-après.

Les informations et documentations rassemblées devaient permettre à la Municipalité roubaisienne dès sa séance du 12 décembre 1884 de décider la création d’un service permanent municipal pour le transport des blessés et des malades à l’hôpital et de voter un crédit de 2 500 francs à cet effet en vue de l’achat d’une voiture adaptée à cet usage. Ce service devait être confié aux sapeurs-pompiers de la ville et pour permettre à ces derniers de faire face à ces besoins nouveaux, on décida de leur affecter un cheval supplémentaire complétant les deux quadrupèdes dont ils disposaient déjà pour le service des incendies.

Comme on le voit, nos braves pompiers jouaient déjà, il y a plus d’un siècle, le rôle de sauvegarde de la population auquel ils font toujours face avec le dévouement qu’on leur connait.

Par Edmond DERREUMAUX,
Président de la Société d’Émulation de Roubaix

Référence :
Archives Municipales de Roubaix – 3q III n° 2 et compte-rendu du Conseil Municipal

La fin de la Société Motte-Bossut

L’affaire a été créée en 1843. Son chiffre d’affaires est de l’ordre de 200 millions de francs HT avec un effectif de 650 personnes. La perte de l’exercice est de 30 millions. Pourtant, ces dernières années, les bénéfices (hors impôt amortissement et provisions) ont été conséquents : 10 millions de francs /an (entre 1974 et 1978 soit près de 6% du CA. La raison invoquée pour le dépôt de bilan est l’invasion des velours américains.

La gestion de l’affaire est normale, sans excès. La Direction générale est rémunérée avec parcimonie ; les deux plus hauts salaires n’atteignent que 57.000 €, derrière eux, deux cadres sont payés 50.000 €. Une quinzaine de cadres reçoivent 30.000 €. Coté social, les salaires versés se montent à près de 40 millions et les cotisations sociales à 20 millions. L’affaire est socialement utile.

Une affaire ancienne mais vulnérable

 La faille est ailleurs, les fonds propres ne sont que de 30 millions et l’affaire est obligée d’emprunter à court terme en permanence une centaine de millions pour financer les stocks et la trésorerie des comptes clients !

Les banques sont nombreuses à se presser autour de cette affaire au renom solide, vieille de 140 ans dont le crédit est reconnu. Elles sont toutes là pour conclure des prêts à court terme: le Crédit Lyonnais, la Société Générale, la Barclays, la Banque Scalbert, Via Banque, la BNP, la BFCE, le Crédit du Nord et d’autres encore. Leurs taux d’intérêt sont élevés (de 12 à 14%). Résultat : le montant des frais financiers, les agios donnés aux banques, assèchent littéralement le résultat d’exploitation. Motte Bossut travaille pour ses banques ! On jugera plus tard de leur empressement à participer au plan de redressement !

Les 60 actionnaires sont encore tous de la famille, celle de la descendance Motte-Bossut. Plus de vingt portent encore le nom. Depuis la crise interne des années 30, l’essentiel est entre les mains de 2 branches ; celle des Edouard Motte (52% des parts), celle des Gaston Motte (16% des parts). Gaston Motte-Burrus (fils) est le plus gros actionnaire individuel avec plus de 14 % des parts, loin devant ses soeurs, Madeleine, notre mère et Monique. Les autres familles apparentées sont les Brabant, Dassonville, Despature, d’Halluin, Flipo, Le Blan, Leurent, Macquet, Mulliez, Scrive, Segard, Thiriez, Vespieren, Wattel, Wattinne. Le nombre des actionnaires « extérieurs » à la famille est symbolique.

Après 138 ans d’existence …  la décision a été prise de déposer notre bilan

La Direction de la Société MOTTE-BOSSUT communique :

 » A l’issue d’une réunion du Conseil d’Administration du 22 Septembre 1981 à laquelle participaient comme habituellement les représentants du personnel, la décision a été prise de déposer notre bilan au Tribunal de Commerce de ROUBAIX. Notre Société, dont l’origine remonte à 1843 et dont les activités de filature et tissage avaient établi la réputation tant sur le plan national qu’à l’exportation, est principalement spécialisée dans la fabrication du velours.

Depuis de longs mois, des importations incontrôlées, atteignant plus de 50 % de la consommation au niveau de nos productions et au stade des articles confectionnés, ont amené une diminution de notre activité, une perte de nos débouchés et une baisse de notre chiffre d’affaires entraînant des coûts de production supérieurs aux prix du marché, eux-mêmes faussés par ces importations et une concurrence désordonnée.Malgré de nombreuses démarches professionnelles auprès des Pouvoirs publics, malgré notre ferme volonté de faire face, malgré diverses mesures de restructuration, malgré des investissements considérables pour rester compétitifs, malgré la qualité des hommes qui nous accompagnent, malgré une gestion rigoureuse, le niveau excessif de nos frais financiers et de nos pertes nous a contraints à prendre cette mesure. 

Nous avons sollicité et obtenu le bénéfice du règlement judiciaire et avons été autorisés à poursuivre notre exploitation. « Nous jetons une fois de plus un cri d’alarme auprès des Pouvoirs publics … qu’une volonté politique, se concrétise dans la pratique par des mesures qui permettraient de sauver une industrie en plein démembrement du fait des importations « .

La situation prend du temps à évoluer

Près de 6 mois plus tard, le 4 février 1982, un nouveau courrier précise la situation:

 » Cher (e) actionnaire,

Depuis notre dépôt de bilan le 23 Septembre dernier, MOTTE-BOSSUT a connu les évènements suivants : mise en oeuvre d’un plan de restructuration strict avec allègement de nos charges dans tous les secteurs ; arrêt définitif du tissage de Comines …

Les effectifs de la Société ont été ainsi ramenés à 550 personnes au 31 Décembre 1981 Nous allons sortir à nouveau pour 1981 un bilan fort mauvais ; … la question essentielle qui se pose à nous est de savoir quelles sont nos chances de pouvoir présenter un concordat et si nous pouvons y arriver sans l’intervention d’un tiers.

C’est ici que s’insère l’action des Pouvoirs publics. Sous l’égide du Député Maire de Roubaix, nous avons été successivement convoqués au Ministère de l’Industrie, puis des Finances, puis à Matignon : il nous a été dit que notre dossier, après mûr examen et visite de nos installations, méritait que « l’on s’y intéresse ».

Le CIASI, organisme ad hoc, a pris les choses en mains ; il dispose de moyens financiers importants ; notre crainte est qu’il ne mette pas ces moyens directement à la disposition de MOTTE-BOSSUT mais bien plutôt à la disposition de tiers qui accepteraient ainsi de prendre le contrôle de la Société…

Le Président Directeur Général

Jacques Motte

P.S. Nous vous remercions de garder à cette communication le  caractère strictement confidentiel qu’elle mérite. »

A partir de février, Dominique Motte, fils de Gaston, commence à monter son dossier de reprise. Sa présentation et la décision des intéressés : actionnaires, créanciers, syndicats, tribunal de commerce, … interviendront fin juillet. Jacques MOTTE, Président-Directeur Général fait le point à l’Assemblée générale ordinaire du lundi 28 juin 1982 et révèle le parcours du combattant subi par la Direction de la société :

 » Madame, Messieurs et Chers Actionnaires,

Il me paraît indispensable de vous dire une nouvelle fois, notre profonde inquiétude. Ayant été assurés, dès le dépôt de bilan, d’une déclaration d’intention très positive à notre égard de la part des Pouvoirs publics, nous nous sommes vite aperçus que les actes ne suivaient pas … au moins comme on les attendait.

Tout d’abord, l’exécution du plan de restructuration élaboré en accord avec notre Syndic s’est heurté à des difficultés de compréhension ; les cent cinquante licenciements que nous avions prévus ont été contestés tant par les Maires de l’Association du Versant Nord-Est de la  Métropole que par les représentants du Ministère de l’Industrie. Malgré cela, nous avons accompli cette étape difficile, compliquée et alourdie par le fait de démissions que nous ne souhaitions pas et qui se situaient pour certaines d’entre elles, au niveau élevé de notre hiérarchie cadres.

D’emblée aussi, les banquiers nous ont pénalisés sur les taux d’escompte, les retenues de garantie et les montants de papiers qu’ils acceptaient de nous prendre (deux d’entre eux ont refusé toute relation avec nous) ; nous avons eu, en liaison avec le Syndic, à mener une bataille permanente pour « survivre » avec les ajustements indispensables correspondant à une nouvelle répartition du pool bancaire et à la hausse de nos chiffres d’affaires.

Les fournisseurs pour la plus grande partie d’entre eux, nous ont également talonnés, exigeant le plus souvent un paiement immédiat avant toute autre livraison, ce malgré qu’ils avaient la garantie de la masse. Les clients ont dû  continuellement être confortés dans leur confiance à notre égard ; nous nous sommes attachés à les livrer ponctuellement et à les assurer que leurs ordres seraient honorés… faute de quoi, nous n’aurions plus de carnet à ce jour.

A côté de cela, le CIASI (Instance au Ministère des Finances chargée de dépanner les entreprises en difficulté et dont le maintien apparaît souhaitable et possible) s’est attaqué à notre dossier avec une lenteur et un manque de conviction très nets ; nous avons alors vu défiler des Fiduciaires, des Conseils, des Experts venus étudier notre risque pour compte de diverses Sociétés intéressées à une reprise …

 L’importance de MOTTE-BOSSUT (500 salariés), l’investissement important à assurer, le contexte textile, la spécialisation velours, l’évolution sociale (vote de la Loi Auroux entre autres), tout cela a dissuadé plusieurs investisseurs possibles.

 Nous nous sommes retrouvés finalement en face d’un Groupe animé par Monsieur Dominique MOTTE, accompagné de quelques « capitalistes » et d’une société d’ingénieurs-conseils intitulée Cabinet BOSSARD ; ceux-ci étaient d’accord pour faire une proposition de reprise. Malheureusement, depuis des semaines, les banques refusent leur concours à ce Groupe, malgré les pressions du CIASI.

 Pendant ce temps, le Tribunal de Commerce de Roubaix par la voie de notre juge-commissaire et de notre Syndic, s’inquiètent de nos perspectives d’avenir … si nos comptes depuis avril sont équilibrés ou à peu de chose près, nous pensons qu’à partir des congés, ils seront  à nouveau nettement moins bons et  probablement même mauvais. Sur quoi, le Tribunal a estimé qu’il ne fallait pas prolonger l’exploitation et qu’il aurait lieu de décider la liquidation de biens dans un très proche avenir.

 Notre personnel, informé de cette menace, a immédiatement constitué une « Intersyndicale » regroupant les représentants des Syndicats C.G.C., C.F.D.T., F.O., C.F.T.C., C.G.T. et a entrepris un certain nombre de démarches auprès des Maires de ROUBAIX, LEERS et HEM, auprès de MATIGNON (Premier Ministre) et du CIASI.

Est-ce sous leur influence ? Toujours est-il que nous avons appris vendredi dernier que six des banquiers re-consultés au sujet du dossier Dominique MOTTE étaient revenus sur leur position précédente et désormais se trouvaient disposés à prendre la quote-part des prêts participatifs qu’on leur demandait de souscrire…

Nous nous trouvons en conclusion en face de deux hypothèses : une seule sauvegarde le personnel et l’exploitation de MOTTE-BOSSUT, elle a de ce fait notre préférence ; toutes deux cependant aboutissent à la conclusion définitive de la perte totale du capital de MOTTE-BOSSUT pour ses actionnaires actuels. Il est évident qu’avec un bilan où les fonds propres sont nuls, il est difficile de défendre une valeur de cession.

 Nous sommes navrés d’arriver à un tel aboutissement ; votre Direction tient cependant à vous assurer qu’elle s’est battue pied à pied durant tous ces mois difficiles ; elle l’a fait et continue à le faire dans des conditions fort particulières… les projets d’avenir construits pour MOTTE-BOSSUT étant en fait élaborés le plus souvent en dehors d’elle. »

L’oeuvre de la Goutte de Lait

En 1893, le Docteur Hippolyte Butruille fait paraître un rapport sur la grande mortalité des nourrissons à Roubaix : 25% d’entre eux n’atteignent pas l’âge d’un an. La moitié de ces décès est due à des cas de gastro-entérite provoqués par une mauvaise hygiène de l’alimentation.

En effet, à cette époque où Louis Pasteur vient de mettre en évidence le rôle des bactéries dans le développement des maladies, les mères continuent « à utiliser des biberons jamais bouillis, quelquefois rincés et remplis d’un lait douteux« .

A la suite de ce rapport se crée, sous l’impulsion de Monsieur Charles Deschodt, le Comité roubaisien de Protection de l’Enfance qui a pour but selon ses statuts : « d’encourager et de propager l’allaitement maternel, de faire pénétrer les règles d’hygiène infantile et particulièrement de l’allaitement artificiel, de fournir par l’intermédiaire de  » La Goutte de Lait  » aux femmes qui ne peuvent nourrir leur enfant au sein, un lait sain, enfin de donner aux mères par les soins de ses médecins les conseils d’hygiène nécessaires « .

L’action du Comité ne prend vraiment son essor qu’après qu’un industriel roubaisien émigré aux Etats-Unis, Monsieur Pierre Wibaux a écrit, l’année précédente, aux administrations municipales de Roubaix, Tourcoing et Lille en leur promettant une donation de 25.000 francs afin d’établir des fermes modèles dont le lait pourrait être distribué dans les meilleures conditions aux familles nécessiteuses. Le Docteur Butruille, devenu Président du Comité, accepte la donation et la municipalité décide de louer un local au n°12 de la rue de Lille.

Le 1er février 1904, La Goutte de Lait commence à fonctionner. Elle regroupe une consultation de nourrissons sous la responsabilité des Docteurs Felhoen et Lerat et un centre de pasteurisation et de distribution de lait géré par Monsieur Alfred Leclercq. Très vite, l’action bénéfique de La Goutte de Lait porte ses fruits et la mortalité des nourrissons descend à 13,5%.

La municipalité, sous l’initiative de Monsieur Eugène Motte, décide de doter l’association de ses propres locaux. C’est une parcelle située boulevard Gambetta et qui appartient à l’entreprise Motte-Bossut qui est choisie. Ce terrain a l’avantage de se trouver  » à proximité de la Grand-Place, des Halles, des marchés et de la Place de la Liberté où convergent tous les tramways « . L’établissement des plans est confié à l’architecte Albert Bouvy. L’achat du terrain coûtera la somme de 37.400 francs. Les fonds proviennent d’une loterie de liquidation d’un montant de 500.000 francs attribuée à la ville de Roubaix par arrêté ministériel. Le reste de la somme est affecté à la construction de deux pavillons pour enfants à l’hôpital de la Fraternité. Le bâtiment sera inauguré le 22 décembre 1912.

La goutte de lait en 2019 ©EG

La Goutte de Lait comporte deux bâtiments distincts : celui donnant sur le boulevard du Général Leclerc est attribué à la consultation des nourrissons, celui donnant sur la rue de la Poste à la préparation des rations de lait pasteurisé. Ces installations sont louées au Comité par la municipalité pour une somme symbolique de un franc par an. Le Comité de Protection de l’Enfance s’occupe de l’organisation, apporte ses médecins, son personnel. Les frais de fonctionnement sont couverts par une subvention municipale annuelle qui s’élève à 3.500 francs en 1904 et par la rente assurée par la donation de Monsieur Pierre Wibaux. Le lait pasteurisé est payé à raison de 20 centimes la ration journalière pour les familles modestes et entre 30 centimes et 1 franc pour les autres familles. Le lait provient d’une ferme de Bondues et est traité par chauffage à 75° pendant 10 minutes selon le procédé de l’ingénieur Constant. En 1924, sur 731 enfants inscrits, seulement 5 décèdent, soit 3,51 %.

En 1927 est fondé le Comité des Dames qui met en place l’oeuvre du  » Prêt du Lit-Berceau « . Trois ans plus tard, à la mort du Docteur Butruille, Monsieur Joseph Wibaux, frère du généreux donateur, accède à la présidence et à la suite de ses démarches, La Goutte de Lait est reconnue d’utilité publique. A ce moment, l’œuvre ouvre une consultation de nourrissons dans six quartiers de Roubaix. En 1933, le Docteur Paul Butruille (le fils) devient Président du Comité. Cette année là, 308 enfants sont nourris à La Goutte de Lait  pour un total de 65.370 rations.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’œuvre est menacée de disparition du fait de la baisse de ses ressources, et le 1er novembre 1946, La Goutte de Lait est prise en charge par la Ville de Roubaix. Les années cinquante verront de nombreuses transformations. Les consultations sont supprimées et les bâtiments sont entièrement consacrés à la préparation des rations de lait. Un quai de départ et d’arrivée des biberons est construit ainsi qu’une chambre froide. Mais en 1954, à la suite de la circulaire ministérielle obligeant à fournir aux enfants des écoles, des rations de lait journalières, le centre ne peut suffire à la tâche et la municipalité fait appel à la Société Anonyme des Fermiers Réunis de Paris qui possède une usine à Tourcoing pour fournir les grandes quantités de lait nécessaires. La Goutte de Lait perd alors sa raison d’être et en 1959, le Conseil Municipal décide la désaffection du service et procède à la vente du matériel. Le 1er février 1961, les bâtiments sont loués à l’État pour l’installation de la recette perception de Roubaix nord. Au départ de celle-ci, c’est l’association d’aquariophilie  » L’Animaquarium  » qui occupera les locaux jusqu’en 1984.

Ainsi, les bâtiments du 31, boulevard du Général Leclerc restent les témoins d’une époque héroïque où la protection de la santé des enfants était confiée à l’initiative privée. De plus, de par son architecture originale, ce bâtiment méritait d’être préservé et mis en valeur dans le cadre de la réhabilitation du centre-ville. Les bâtiments de La Goutte de Lait sont aujourd’hui réhabilités par l’architecte roubaisien Jean Charles Huet qui a conservé et restauré la belle façade donnant sur le boulevard du Général Leclerc.

 

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La ville aux mille cheminées

C’est ainsi que l’on qualifiait autrefois notre ville, tant le nombre des cheminées qui s’y élevaient était important. Elles correspondaient à des machines à vapeur que l’on appelait alors des «machines à feu».

Devant leur nombre grandissant, pour des questions de sécurité et de salubrité publique, la législation, et en particulier l’ordonnance royale du 29 octobre 1823, imposait certaines contraintes avec, entre autres, une autorisation préalable, un contrôle périodique et la construction en maçonnerie d’une cheminée d’une hauteur de 20 à 30 mètres selon la puissance de la machine. La première machine à vapeur, et donc la première cheminée d’usine installée à Roubaix fut celle de la firme Grimonprez-Bulteau en 1820, mais c’est seulement le 8 mars 1825 que la chaudière fut homologuée. Ensuite, les autres machines à vapeur durent obligatoirement attendre le certificat de conformité pour pouvoir fonctionner.

 Un document, dans les Archives Municipales de Roubaix, fait état, en 1834, de 29 machines à vapeur en service à Roubaix et un relevé du 17 octobre 1834 nous en donne le détail précis avec la hauteur de chaque d’entre elles. Ces hauteurs sont encore exprimées en pieds (mesure ancienne équivalente à 0,33 mètres). De ces 29 cheminées dont les plus hautes étaient celles des maisons Wibaux-Florin, Scrépel-Lefebvre et Werbrouck (chacune 102 pieds, soit plus de 33 mètres de hauteur), six cheminées se trouvaient rue de la Fosse aux chênes et cinq rue du Grand Chemin, les autres étant réparties dans une dizaine de rues de la ville qui se limitait alors à une quarantaine de voies de circulation.

 Dix ans plus tard, un état des machines à vapeur de Roubaix, en date du 23 octobre 1844, nous apprend que 41 établissements roubaisiens en sont dotés, ce qui suppose autant de cheminées, qui passeront à 113 en 1857. On constate donc une progression spectaculaire marquée par la présence dans les firmes importantes de plusieurs machines affectées à la force motrice de différents ateliers. Un autre relevé, daté de 1857, donne pour chaque entreprise la puissance en chevaux-vapeur dont elle dispose ce qui nous apprend que la palme revient à Motte-Bossut qui reçoit 180 CV (il s’agit de la filature Monstre de la rue de l’Union détruite par un incendie le 8 décembre 1866), la seconde place étant occupée loin derrière par la filature Duriez fils avec 80 CV (cette firme, située sur le quai de l’ancien canal près du carrefour de l’actuelle rue Pierre de Roubaix, sensiblement à l’emplacement de la Caisse d’Allocations Familiales, fut totalement détruite par un incendie le 13 mars 1876 qui fit 3 victimes parmi les ouvriers de l’établissement).

 En 1872, une note de la Direction du Service des Mines, responsable du contrôle des machines à vapeur, fait état, à Roubaix, de 250 usines munies de cet équipement, soit au moins autant de cheminées et sans aucun doute nettement plus car certains établissements importants possédant plusieurs machines avaient fait construire autant de cheminées.

 Les dossiers conservés aux Archives Municipales de Roubaix conservent un nombre important d’autorisations de mise en service pour des machines installées chez des industriels soit pour remplacer des matériels périmés soit pour renforcer la puissance de leur entreprise. Mais les cheminées, érigées pour évacuer les fumées de toutes ces chaudières et qui fonctionnaient au charbon n’étaient pas les seules dans le ciel de Roubaix. A dater de 1844, on voit les grandes usines se doter de gazogènes pour éclairer leurs ateliers. Les premières installations furent celles d’Eugène Grimonprez et d’Auguste Mimerel. Les prescriptions relatives à ces matériels qui fonctionnaient par distillation de la houille imposaient la construction d’une cheminée en maçonnerie s’élevant à 15 mètres minimum au-dessus du sol.

 Avant d’utiliser le gaz, nos arrière-grands-parents s’éclairaient à la chandelle et nous avons trouvé trace de l’existence à Roubaix, avant 1850 de plus d’une dizaine de fabriques de chandelles, dont la création était subordonnée à une autorisation en raison des nuisances que pouvaient provoquer les opérations de chauffage et de fonte des ingrédients utilisés pour cette fabrication. Ces ateliers devaient aussi être munis de cheminées ainsi d’ailleurs que toutes les autres fabrications (savonneries, distilleries, fabriques de chicorée, etc.…) susceptibles de provoquer des émanations.

 On disait en patois : « l’ballot qui finque » : La cheminée qui fume.

Aujourd’hui, l’association Le Non Lieu a recensé en 2004 les quelques 37 cheminées qui sont toujours debout à Roubaix et dont certaines ont été réduites à leur base. Il reste donc environ 1/10e des cheminées construites.

CONSTRUCTION TECHNIQUE

 Au départ, la forme simple avait une base carrée puis, pour des raisons techniques, on passa à la forme ronde. Cette forme offrait moins de résistance au vent et moins d’oscillations dangereuses pour ces grandes hauteurs qui ne faisaient qu’augmenter.

 Le record de la cheminée la plus haute de France était celle de chez Holden à Croix construite par l’architecte Carlos BATTEUR vers 1890. Elle s’élançait à 105 mètres au-dessus du sol, hauteur dans laquelle n’est pas compris le paratonnerre qui y ajoutait encore quelques mètres. Il faut savoir que cette cheminée avait deux mètres de diamètre intérieur à son sommet et 4 m 60 de diamètre extérieur à la partie basse la plus saillante. Elle était assise sur un plateau de béton de 14 m de côté et de 1 m 50 de hauteur. 

 La fonction de ce colossal émissaire est double :

 Il doit évacuer journellement, outre les produits de la combustion d’un grand nombre de tonnes de houille, les vapeurs et les gaz s’échappant d’appareils divers, et c’est ainsi que, par des dispositions toutes particulières, cette cheminée sert à la fois de cheminée ordinaire pour la fumée des foyers des générateurs de l’usine et de gaine d’extraction pour les fluides qui se développent dans les ateliers ; c’est même cette dernière donnée qui a nécessité sa grande hauteur afin de porter au-dessus des premières couches de l’atmosphère les gaz plus ou moins délétères dont elle actionne l’évacuation et d’empêcher ainsi les localités voisines d’en être incommodées.

 La fumée : La fumée provient de la combustion du charbon (Co², Co, H²o…). Etant plus chaude donc plus légères que l’air ambiant (+ de 100° C), la fumée s’élève d’office.

La cheminée : Son diamètre influence le débit de la fumée. Plus la machine à vapeur est puissante, plus il faut de charbon, plus la section doit être importante (1 m² de section correspond à 400/500 kg de charbon par heure).

La hauteur : La hauteur de la cheminée influence sur le tirage (chiffré par la dépression à la base de la cheminée : 20 à 100 mm d’eau). Mais le tirage et le débit ne sont pas indépendants et le tirage augmente avec le débit.

La chaudière : C’est elle qui produit la chaleur qui vaporise l’eau. La vapeur d’eau produite fait marcher la machine à vapeur qui actionne les machines de l’usine.

Le carneau : C’est le conduit qui relie la chaudière à la cheminée et qui peut parfois atteindre une dizaine de mètres.

La brique : Elle résiste mieux à la chaleur que la pierre et constitue un bon isolant contre un refroidissement trop rapide de l’air sortant (ce qui ferait chuter le tirage).

Le vent : Sous l’effet du vent, une cheminée est animée de vibrations de 15 à 20 cm d’amplitude au sommet. C’est pourquoi, elle doit être désolidarisée des autres bâtiments de l’usine, avoir ses propres fondations, avoir un solide socle maçonné.

 

Composition de la cheminée d’usine

 Les fondations : Celles-ci sont parfois sur pilotis lorsque le terrain est trop mou. Au 19e siècle, elles sont en pierres puis en béton.

Le socle : Il conditionne la bonne stabilité de l’édifice et doit faire 1/5e à 1/6e de la hauteur totale de la cheminée.

L’épaisseur : Elle est importante à la base pour résister aux gaz les plus chauds et augmenter la stabilité de la construction. Elle diminue par palier, soit une brique en moins tous les cinq ou six mètres. Le décrochement est ainsi utilisé pour faciliter la construction et l’entretien par la pose d’échafaudages.

Les cerclages métalliques : Ils sont placés tous les 3 à 4 mètres et servent à compenser les effets de la dilatation.

Le diamètre : Il diminue de bas en haut pour maintenir le tirage car en montant la température des gaz diminue ce qui entraîne une réduction de leur volume.

Le paratonnerre : Il est utile pour éviter la foudre lors des orages.

           

CATASTROPHE INDUSTRIELLE

Extrait du Journal de Roubaix qui relate les faits

 Le 1er octobre 1906, vers 7 heures et demie du matin, alors que les 800 ouvriers de la filature Etienne Motte et Cie, rue d’Alger, 30, étaient au travail, une terrible explosion se fit entendre, ébranlant l’édifice sur ses bases ; Un bouchon de générateur, tout en fonte et pesant plusieurs centaines de kilos, venait de se briser et projeté avec une violence inouïe, arrachait et détruisait tout sur son passage. En même temps, un énorme et puissant jet de vapeur s’échappait de la chaudière béante.

 L’explosion causa d’importants dégâts à l’usine, mais ces dégâts matériels n’étaient rien auprès de l’effroyable malheur qui venait de s’abattre sur plusieurs familles ouvrières. On releva, en effet, deux cadavres, ceux de Melle Mathilde Gobert, âgée de 21 ans, dévideuse, et de M. Clément Mahieu, 29 ans, célibataire, qui avaient été tués sur le coup.

 Huit autres personnes, plus ou moins grièvement blessées, furent transportées à l’hôpital, où cinq d’entre elles ne tardèrent pas à succomber : Mme Ceyx, née Julia Dejehansart, dévideuse, 28 ans ; M. Samuel Salembier, contremaître des magasiniers, 28 ans, père de deux enfants ; M. Joseph Térenne, paqueteur, 28 ans ; M. Alfred Lagaisse, homme de peine, 27 ans ; M. Pierre Rousseau, aide-chauffeur, 40 ans.

 Cette catastrophe fut un deuil public ; on fit aux victimes des funérailles officielles et une souscription fut ouverte pour venir en aide à leur famille.

 

Sources :

Archives de la Société d’Émulation de Roubaix

 Jacques Prouvost, ancien Président de la Société d’Émulation de Roubaix

Archives Municipales de Roubaix 5iD n° 1 à 10

Association Le Non Lieu  – Extraits du livre « Cheminées, Totems Roubaisiens »

Statuts

SOCIÉTÉ D’ÉMULATION DE ROUBAIX

Fondée en 1868

pour l’Étude et le DÉVELOPPEMENT

des LETTRES des SCIENCES des ARTS et de L’INDUSTRIE

Association régie par la Loi de 1901

Enregistrée sous le n° 27.428

n° SIRET 395191695 – 00018

S T A T U T S

« Le texte ci-après des statuts de la SOCIÉTÉ D’EMULATION DE ROUBAIX, prend en compte les différentes modifications apportées à différents articles par l’Assemblée Générale Extraordinaire du trente et un mars deux mille douze ».

ARTICLE 1°

Les membres de la Société d’Émulation de Roubaix, créée en 1868, modifiée en 1958, domiciliée : 24, Place de la Liberté à Roubaix (59100) se sont réunis en Assemblée Générale Extraordinaire le 31 Mars 2012.

ARTICLE 2°

Cette Association a pour but :

1. L’étude de l’Histoire de la Ville de Roubaix et de ses environs

2. L’étude du folklore et des traditions locales

3. La recherche de tous les documents susceptibles d’aider à la connaissance de l’Histoire de Roubaix et de ses environs

4. L’organisation de publications, expositions, conférences et toutes manifestations, dans le cadre des buts ci-dessus

5. Les relations et échanges avec les autres associations poursuivant des buts analogues.

ARTICLE 3°

Le siège social de l’Association est fixé à :

MAISON DES ASSOCIATIONS

24, Place de la Liberté

59100 ROUBAIX

Il pourra être transféré en tout autre lieu à Roubaix, par décision du Conseil d’Administration qui devra être approuvée par la plus proche Assemblée Générale.

ARTICLE 4°

L’Association est composée de :

– membres de droit

– membres d’honneur

– membres actifs

ARTICLE 5°

Pour faire partie de l’Association, il faut être agréé par le Conseil d’Administration qui statue lors de chacune de ses réunions sur les demandes d’admission présentées et qui n’a pas à notifier ses décisions.

ARTICLE 6°

Sont membres de droit :

– Monsieur ou Madame le Maire de Roubaix es qualité (ou son représentant)

– Monsieur ou Madame l’adjoint au Maire chargé de la Culture

Sont membres d’Honneur :

– les personnes qui ont rendu des services signalés à l’Association.

Sont membres Actifs :

– les personnes qui ont pris l’engagement de verser, annuellement, une cotisation fixée chaque année par l’Assemblée Générale Ordinaire et qui ont été agréées par le Conseil d’Administration.

ARTICLE 7°

La qualité de « membre » se perd par :

– la démission

– le décès

– la radiation prononcée par le Conseil d’Administration pour non paiement de la cotisation ou pour motif grave

– la radiation prononcée – à bulletin secret – par le Conseil d’Administration pour atteinte grave à la déontologie et l’éthique associative.

ARTICLE 8°

Les ressources de l’Association comprennent :

– le montant des cotisations

– les subventions de l’Etat, des départements et des communes

– les intérêts et revenus des sommes lui appartenant, des capitaux, meubles ou immeubles apportés, des économies faites sur le budget annuel

– les droits d’entrée éventuels aux manifestations organisées par elle

– le montant des ventes des publications et/ou de travaux réalisés par l’Association

– de toutes les autres ressources autorisées par les textes législatifs et règlementaires tels que le mécénat.

ARTICLE 9°

L’Association est dirigée par un Conseil d’Administration de 15 à 18 membres, élus par l’Assemblée Générale pour une durée de trois ans renouvelable. En cas de vacance, le Conseil pourvoit au remplacement du (des) membre(s) démissionnaire(s) ou démissionné(s). La durée du mandat du (des) nouvel (nouveaux) administrateur(s) étant égale à la durée restant à courir du mandat de son (ses) prédécesseur(s).

Un candidat au Conseil d’Administration ne pourra pas avoir dépassé l’âge de 75 ans le jour de l’élection.

Un candidat au Conseil d’Administration devra recueillir l’approbation du Bureau du Conseil d’Administration.

Le Conseil d’administration choisit parmi ses membres :

– un(e) Président(e)

– un(e) vice Président(e) délégué(e)

– un(e) second(e) vice Président(e)

– un/une secrétaire et, éventuellement un/une secrétaire adjoint(e)

– un Trésorier et, éventuellement un/ou Trésorier(e) adjoint(e)

La présence des administrateurs aux réunions du Conseil d’Administration est impérative, sauf en cas de motifs exceptionnels.

ARTICLE 10°

Le Conseil d’Administration se réunit tous les trimestres sur convocation du Président ou sur demande de la moitié de ses membres. Les décisions sont prises à la majorité des voix ; en cas de partage des voix, celle du Président est prépondérante.

Tout membre du Conseil qui, sans excuse, n’aura pas assisté à trois réunions consécutives, pourra être considéré comme démissionnaire du Conseil.

ARTICLE 11°

L’Assemblée Générale Ordinaire comprend tous les membres de l’Association à quelque titre qu’ils soient affiliés.

L’Assemblée Générale Ordinaire se réunit chaque année avant la fin du premier semestre.

Les membres de l’Association sont convoqués par les soins du Président ou du Secrétaire, au moins quinze jours avant la date fixée. L’ordre du jour est indiqué sur les convocations. Le Trésorier rend compte de sa gestion et soumet le bilan à l’approbation de l’Assemblée. Il est procédé, après épuisement de l’ordre du jour, au remplacement, à bulletin secret, des membres sortant du Conseil d’Administration. Un Commissaire aux comptes peut être désigné par l’Assemblée Générale.

La représentation à l’Assemblée Générale est autorisée. Le nombre de pouvoirs est limité à cinq pour les membres du Conseil d’Administration et à deux pour les membres présents à l’Assemblée.

Les décisions se prennent à la majorité simple des voix détenues par les membres présents ou représentés. En cas d’égalité, la voix du Président est prépondérante. L’Assemblée Générale Ordinaire ne pourra délibérer qu’en présence du dixième de ses membres présents ou représentés.

Si le quorum n’était pas atteint, une seconde Assemblée Générale Ordinaire serait convoquée, au plus tard un mois après la première. Cette seconde Assemblée Générale pourra délibérer quel que soit le nombre des membres présents ou représentés.

ARTICLE 12°

Une Assemblée Générale Extraordinaire peut être convoquée à la demande du Président, validée par le Conseil d’Administration, en cas de circonstances exceptionnelles. Elle doit l’être à la demande écrite des deux tiers des membres présents ou représentés.

La réunion de l’Assemblée Générale Extraordinaire est nécessaire pour modifier les statuts ou pour la dissolution de l’Association.

ARTICLE 13°

L’Assemblée Générale accepte que les convocations aux différentes assemblées et Conseils d’Administration soient adressées par courriel, encadrant cette méthode numérique d’un protocole de réception desdites convocations.

ARTICLE 14°

Un règlement intérieur peut être établi par le Conseil d’Administration qui le fera approuver par l’Assemblée Générale. Ce règlement est destiné à fixer les points non prévus par les statuts, notamment ceux qui ont trait à l’administration interne de l’Association.

Ce règlement prévoit la création de Comités au sein d’un Conseil Culturel composé de 15 à 18 membres, nommés par le Conseil d’Administration et ayant pour but d’avancer sur des sujets administratifs et divers demandant une préparation, une étude et une organisation particulières.

ARTICLE 15°

Le Président ou tout membre spécialement désigné est habilité à représenter l’Association en justice et dans tous les actes de la vie civile.

Le patrimoine de l’association répondra, seul, des engagements contractés en son nom, sans qu’aucun de ses membres ne puisse en être tenu responsable.

ARTICLE 16°

En cas de dissolution prononcée par au moins les deux tiers des membres présents à l’Assemblée Générale, un ou plusieurs liquidateurs sont nommés par celle-ci et l’actif, s’il y a lieu, est dévolu conformément à l’article 9 de la loi du 1er Juillet 1901 et au décret du 16 Août 1901.

Fait à ROUBAIX, le 31 Mars 2012

Bernard SCHAEFFER, Président

Josiane DEROUBAIX, Secrétaire

 

Ets Lepoutre et Motte-Bossut

PRÉAMBULE

L’expression « être tombé dans le textile à la naissance » prend tout son sens quand on saura que, né en 1940, j’ai vu, pendant toute mon enfance, ma mère travailler à la maison. Elle était « éplucheuse » à domicile pour la société Prouvost-Bernard, fabricant de draperies. Chaque jeudi, le camion apportait deux pièces de tissu à éplucher et chargeait les pièces que ma mère avait épluchées, c’est-à-dire qu’elle y avait enlevé, à l’aide d’une pince, les bourrettes (amas de fibre) qui subsistaient à la surface du tissu tombé de métier. Les pièces mesuraient 50 mètres en 150 cm de large et pesaient de 25 à 30 kilos suivant les qualités. Je l’aidais à plier et transporter ces pièces dans la maison. Quand je rentrais de l’école, elle surveillait mon travail tout en épluchant ses pièces. Voilà pourquoi, le bac en poche, je suis entré dans le textile comme on entre en religion.

LOUIS LEPOUTRE ( 1959 à 1972)

L’entreprise

A la fin des années 50, Louis Lepoutre était l’un des leaders de la fabrication de tissus pour habillement masculin et féminin (la draperie et la robe). Complètement intégré, le process allait de la réception des toisons de mouton à l’expédition de tissus prêts à être transformés en vêtements. Triage, lavage, peignage, filature, tissage, teinture et apprêt étaient les principales phases de fabrication. Majoritairement lainière, la fabrication commençait à s’ouvrir aux nouvelles fibres dites « artificielles » dont le polyester (Marque Tergal) était le fer de lance.

La clientèle était essentiellement industrielle en ce qui concernait les vêtements masculins. Les confectionneurs (on ne disait pas encore le « prêt-à-porter ») fabriquaient des costumes, vestes, pantalons et manteaux pour hommes. Il y avait encore d’importants négociants qui alimentaient les petits confectionneurs, et des drapiers qui alimentaient les tailleurs. Pour les vêtements féminins, la confection industrielle était moins développée et le négoce était encore prépondérant.

Les produits de la société étaient renommés et recherchés. La fameuse qualité 387 de Louis Lepoutre était appréciée de toute la profession tant en France qu’à l’exportation.

Les ressources humaines

Si l’embauche d’ouvriers (ères) ne posait pas trop de problèmes, il n’en allait pas de même pour les employés et futurs cadres. Après la Seconde Guerre mondiale, il y avait pénurie de jeunes diplômés ( BEPC, BAC général et technique) et les entreprises se les arrachaient, se chargeant ensuite de les former et de les orienter vers leur future fonction dans l’entreprise. Et c’est là que le patronat textile du Nord joua un rôle prépondérant et salutaire pour de nombreux jeunes.

Dés mon arrivée j’ai travaillé comme ouvrier dans tous les ateliers de la société pendant 3 mois. Avant de prétendre à un poste précis, il convenait de connaître toutes les étapes de la fabrication d’un tissu et de découvrir la condition ouvrière. Parallèlement, je suivais des cours du soir à Lille (Ecole régionale d’organisation scientifique du travail) afin de connaître le mode de fonctionnement d’une entreprise industrielle. Plus tard, quand mon orientation vers le commercial se précisa, je suivis un stage de techniques de vente chez un important cabinet conseil parisien.

D’aucuns ont dénigré le paternalisme textile. C’est méconnaître le rôle de mes patrons qui ont toujours placé le savoir et le respect humain au centre de leur stratégie des ressources humaines. S’ils m’ont appris un métier, ils m’ont aussi inculqué le respect des autres (ouvriers ou clients) et la conscience professionnelle.

Évolution

Le marché évoluait à grands pas et il était impératif d’innover et de se remettre en question. Ce ne fut pas toujours facile car il fallut bousculer parfois certaines inerties internes. Les produits nouveaux, la promotion et la publicité firent leur apparition, la confection féminine se développa et il fallut prospecter ce nouveau marché. En qualité de délégué commercial, j’ai sillonné la France en long et en large pour augmenter notre clientèle et créer des liens avec la distribution pour promouvoir notre marque (Tissus Louis Lepoutre) .

En 1970, Louis Lepoutre fut repris par La Lainière de Roubaix et ce fut le grand changement. Un jeune Polytechnicien pris la direction de la société, de jeunes cadres furent embauchés pour « moderniser » l’entreprise. Les commerciaux qui étaient tous basés à Roubaix eurent 3 mois pour aller s’installer dans leurs secteurs respectifs. Ne pouvant accepter une résidence à Lyon pour des raisons familiales, je fus licencié en une demie heure en 1972. J’avais acquis des compétences essentielles chez Louis Lepoutre et ce bagage me permit de rebondir immédiatement et de retrouver un poste chez Motte-Bossut.

MOTTE-BOSSUT ( 1972 à 1980)

L’entreprise

Motte-Bossut était, avec la Saic (Groupe DMC) de Mulhouse, un leader européen de la fabrication de velours pour habillement. Lors de mon recrutement je devais intégrer ce département sauf qu’au dernier moment la Direction décida de me confier la responsabilité commerciale d’un nouveau département : l’ameublement, où tout était à construire et à développer.

Quel challenge ! Là aussi mes patrons me donnèrent les moyens de réussir. Je suivis à Paris une formation de management des forces de vente chez MacKinsey, important cabinet conseil en stratégie commerciale, puis une formation à la D.P.O., Direction participative par objectifs, nouveauté en ces années 70, pour dynamiser les forces de vente, et une formation aux métiers de l’ameublement (Industrie du siège et de la literie). Quelle chance car tous ces métiers étaient nouveaux pour moi !

Évolution

Le velours côtelé était un article essentiellement destiné à l’habillement et peu ou pas utilisé en ameublement. Il fallut donc persuader les clients potentiels (en particulier les fabricants de sièges) d’utiliser ce nouveau revêtement pour une nouvelle génération de fauteuils et canapés modernes. Ce fut un énorme succès et très vite, Motte-Bossut et son concurrent Saic, suffirent à peine à satisfaire la demande.

Très honnêtement, à certains moments, je répartissais ma production plus que je ne la vendais. Cela dura jusqu’en 1976, puis la mode se calma et il fallut trouver de nouveaux relais de croissance. De par notre technologie (velours trame) nous ne pouvions proposer à nos clients des velours unis qui prenaient peu à peu le relais du velours côtelé. Là encore, ma Direction me donna carte blanche pour continuer à développer ce département.

Je fis fabriquer à façon, en Belgique, les velours que nous ne pouvions pas produire en interne, et je développai une activité de négoce de tissus velours de Gênes et tapisseries rustiques qui étaient de plus en plus demandés par les fabricants de sièges à boiserie apparente. En plus, pour les sièges contemporains et modernes, j’ai bâti une collection de tissus plats que je sélectionnais chez un fabricant italien qui m’en donnait l’exclusivité pour la France.

Tout cela était passionnant et j’ai vraiment progressé professionnellement. Hélas, vers la fin des années 70, le dollar américain baissa tellement que les importations massives de velours habillement déstabilisèrent fortement la société et l’ameublement ne pouvait, à lui seul, compenser l’effondrement de l’habillement. Pressentant des temps difficiles, je donnai ma démission en 1980 et entrai chez un de mes plus importants clients fabricant de sièges. En 1982 Motte-Bossut disparut.

ÉPILOGUE

A 40 ans, grâce à la politique humaine de mes patrons,  j’avais acquis de solides compétences qui me permirent de continuer une carrière commerciale dynamique dans l’ameublement puis, au début des années 90, à nouveau dans le textile, car il me manquait une corde à mon arc : l’impression sur tissus. J’ai passé plusieurs années à Mulhouse, chez Texunion filiale de D.M.C. . J’ai donc bouclé la boucle : tissus draperie, velours, imprimés.

Pas de nostalgie, mais un sentiment profond de respect et de reconnaissance pour les Lepoutre et les Motte à qui je dois d’avoir eu une vie professionnelle aussi enrichissante.

par Jean-Claude Lecomte

Le théâtre Louis Richard

Retracer l’histoire du théâtre Louis, c’est retracer l’histoire de tous ces petits théâtres, en signalant que le théâtre Louis Richard étant un modèle du genre, ne pouvait, en aucune façon, être assimilé aux autres en raison de la valeur artistique de ses pantins de bois incomparables, de son installation rationnelle, de l’esprit qui l’animait, de la qualité de son répertoire toujours renouvelé et de la dextérité de ses manipulateurs.

 Le fondateur du théâtre Louis était Louis Richard. Né à Bruges en 1850, dès son plus jeune âge, il amusait ses compagnons en habillant de « chiquées de dentelle » (sa mère était dentellière) des petites cuillères ou des fourchettes qu’il manœuvrait à la façon de marionnettes. C’était un artiste né.

Fixé à Roubaix en 1863, à l’âge de 13 ans, il fit son apprentissage de tourneur sur métaux et, désireux de s’instruire, apprit à lire et à écrire après son travail. Fréquentant les théâtres de marionnettes de l’époque il eut l’ambition d’en diriger un à son tour et, à 19 ans, en 1869, utilisant des pantins qu’il avait lui-même fabriqués, il fonda un théâtre dans le grenier d’une de ses tantes, rue des Longues Haies. Il obtint à cet effet l’autorisation impériale portant le sceau de Napoléon III.

 Le succès aidant, il s’installe Grand-rue, dans un autre grenier d’un marchand de légumes au Galon d’Eau. Il revient en 1875 chez sa tante déménage ensuite pour aller rue de Croix et, enfin le résultat de ces divers essais répondant à ses espérances, il s’installe définitivement en 1884 dans une maison qu’il a fait bâtir au 43, rue Pierre de Roubaix où la salle de spectacles, construite spécialement, peut recevoir 400 spectateurs.

 Louis Richard qui possédait les plus belles marionnettes des environs et sans doute de France, les avait sculptées, peintes et habillées lui-même, reconstituant leurs accoutrements avec une scrupuleuse exactitude et un luxe de détails inouïs. Jamais satisfait cependant, tout au long de sa carrière, il ne cessera de les perfectionner. Au début par exemple, les cheveux de ses pantins étaient d’étoupe et les yeux étaient peints. Par la suite, il leur donnera une véritable chevelure et des yeux de verre.

 Son fils Léopold a raconté que, dans les premiers temps, son père avait travaillé les têtes de ses poupées dans du bois d’orme, qui, à cause de sa dureté ne permettait d’exprimer que des figures assez rudimentaires, utilisant par la suite un bois beaucoup plus tendre, le tilleul, avec un art consommé et une technique plus approfondie, il put enfin donner cette expression de vie extraordinaire qu’on leur voit encore aujourd’hui.

 Louis Richard était un artiste et donc un sentimental et il n’est pas sans intérêt d’apprendre que, lorsqu’il eut enfin réalisé de façon parfaite ses nouvelles marionnettes, il se sépara de ses premières, mais d’une manière qui prouve bien qu’il ne les considérait pas comme des jouets quelconques, bons à jeter à la poubelle après usage.

 Il eut une pensée que seul un poète pouvait concevoir : il creusa une tombe sous son théâtre même et il enterra pieusement et sans doute avec tristesse toutes les marionnettes rudimentaires de ses débuts. Son fils devait les exhumer trente ans plus tard avec non moins de piété.

Louis Richard qui, entre temps jusqu’en 1896, pratiqua un autre métier aujourd’hui disparu, celui de cordier pour archers, est l’inventeur de la marionnette aux jambes articulées de l’intérieur. En effet, par un système ingénieux de ficelles qui passent à travers le corps des marionnettes, il pouvait, en les manipulant, donner à ses personnages une apparence de marche réelle avec un certain déhanchement très naturel et qu’on ne trouve pas chez les autres marionnettes.

 Un américain, Réginald Sibbald a fait en 1936 une thèse sur « les marionnettes dans le Nord de la France ». Il avait été frappé de cette particularité qu’il n’avait pas encore rencontré et il exprimait ainsi son avis : « La plupart des autres marionnettes, qu’elles soient de Lille d’Amiens ou d’ailleurs, quand elles marchent, doivent s’incliner légèrement en arrière afin que les ficelles qui sont fixées extérieurement aux jambes ne puissent pas frapper le corps ou se mêler aux vêtements et, comme les ficelles sont habituellement attachées aux jointures des genoux, la poupée marche en levant les genoux, tandis que la partie inférieure de la jambe se balance simplement. Louis Richard est, à ma connaissance, le seul fabricant de marionnette qui a trouvé le moyen de surmonter cette difficulté au moyen d’une méthode secrète. Il passait ses ficelles à travers la tête dans l’intérieur même des jambes. Le résultat est remarquable. Comme les ficelles des jambes sont attachées à un simple balancier au bout de la tige du support, l’opérateur peut faire marcher, rien qu’au moyen d’un léger mouvement de poignet, en le tenant dans la position debout. Avec ce système, la marionnette peut faire de grandes enjambées ou marcher à petits pas. Les marionnettes de Richard, écrivait encore cet américain, sont les seules en Europe et sans doute dans le monde à avoir adopté ce dispositif inconnu totalement ailleurs ».

 Ajoutons que l’amélioration ainsi apportée permettait à Richard de donner sur scène de grandes batailles épiques avec de nombreux personnages sans risque de les emmêler. Les marionnettistes lillois qui n’utilisaient pas ce procédé, étaient toujours dans l’obligation de réaliser de grands combats dans la coulisse, hors de la vue des spectateurs.

 C’est dans les années 1900-1910 que le théâtre Louis connut une popularité extraordinaire. Il y avait parfois 400 à 500 spectateurs par séance. Le prix était modique : 5 sous le dimanche, 3 sous le lundi, 1 sou le jeudi.

 Il était tellement apprécié que Louis Richard, certaines années, en était arrivé à gagner près de 4 000 francs par an (francs or). Sa femme qui fut longtemps sa plus fidèle collaboratrice, interviewée en 1938, raconta qu’à certaines séances durant les entractes, elle avait vendu jusqu’à 18 paquets de 18 gaufres, dix douzaines de gâteaux, du coco à 1 sou le gobelet et 100 kilos de pommes-frites.

 De ses cinq enfants, Louis Richard fit cinq montreurs de marionnettes mais, malheureusement, deux de ses fils furent tués à la guerre 1914-1918. Le théâtre Louis a toujours été le fruit d’une exploitation familiale, Louis Richard eut pour aides en 1893 Alfred Decottignies, son neveu puis Alfred Doutreligne qui imitait les oiseaux et sifflait à ravir ; en 1899, son fils Jules devint le principal manipulateur jusqu’en 1908 ; peu après, ce fut son second fils Maurice qui fit partie de la troupe. Enfin, en 1903, Léon, son troisième fils, prit la direction, gardant dans son esprit et dans son cœur l’idéal légué par son père.

 C’est Léopold Richard qui confiait en 1938 à un journaliste roubaisien comment il concevait son rôle de montreur de marionnettes : « Vivre pour un idéal, disait-il, qui le rapproche du peuple, peuple lui-même le marionnettiste possède ses coutumes, lui parle sa langue et se fait comprendre de lui, bien plus sûrement que les discours les mieux conçus de nos grands orateurs qui ne sont accessibles qu’à ceux qui le comprennent ».

 On ne peut mieux dire, ajoutait le journaliste et Léopold, fils de Louis, est resté dans la stricte tradition des montreurs de marionnettes ; il n’a jamais forcé son talent et il ne peut être de plus fidèle serviteur du théâtre populaire.

 Excepté entre 1914 et 1918, le théâtre Louis n’a jamais cessé de fonctionner. Des représentations furent données tous les dimanches, lundis et jeudis après-midi et aussi le jeudi soir ; le public du jeudi après-midi était composé d’enfants et les adultes assistaient nombreux aux autres séances qui leur étaient consacrées.

 Le fondateur Louis Richard a imaginé ses types de personnages de toutes pièces qui ne doivent absolument rien à Polichinelle de Paris, au Guignol de Lyon, au Lafleur d’Amiens ou au Jacques de Lille. A l’origine, le héros typique dans son théâtre, toujours chargé du rôle principal dans les drames s’appelait le Brave et son jeune acolyte « le petit brave ». Un autre héros s’appelait l’Hercule. Le comique avait nom : « Barpe-à-Poux », mais depuis de nombreuses années, il n’est plus guère connu que sous le nom de « Bibi-Lolo ». ».

 Ce Bibi-Lolo est un personnage humoristique qu’on ne peut comparer avec les autres types comiques traditionnels : Polichinelle est presque toujours commun, vulgaire, quelquefois même obscène. La fleur d’Amiens et Jacques de Lille sont des types de valets qui très souvent, tombent dans la grossièreté. Rien de tel chez Bibi-Lolo ; c’est un humoriste plaisant, raffiné même dans ses plaisanteries ; ce n’est pas le domestique habitué des Comédies de Lille ou d’Amiens. Il remplit tous les rôles et sait se contenter d’un rôle secondaire. Il est l’annonceur officiel de la troupe et son apparition sur scène apporte toujours une diversion qui, pour être assez burlesque, n’en est pas moins toujours décente et de bon aloi.

 Dans les bamboches, ces comédies patoisantes en un acte qui habituellement, terminent toujours le spectacle, le héros principal est toujours le Petit Morveux, marionnette d’une taille plus petite, à l’esprit vif, à la répartie mordante et qui ne s’exprime qu’en patois. Le public enfantin se reconnaît complètement en lui ; il est, en effet, le modèle du titi, du gavroche roubaisien.

 

Le fondateur du théâtre Louis avait créé de ses mains plus de quatre cents marionnettes ; il était devenu tellement habile qu’une journée de travail lui suffisait pour sculpter une tête au moyen de gouges et de couteaux. La figure d’un habitant du quartier lui avait-elle paru pittoresque, il la reproduisait fidèlement de mémoire, en l’accentuant quelque peu pour raisons d’optique théâtrale.

 Les rideaux, les 52 décors, les intérieurs, les extérieurs sont son œuvre, les salons, les palais, les prisons, les paysages, les scènes de pleine mer ainsi que tous les accessoires, et ils sont nombreux, ont été créés par Louis Richard. Tous les petits meubles à la taille des interprètes : fauteuils, chaises, tables canapés, trônes… ont été confectionnés par lui. Les trois cents costumes ont été dessinés par lui et confectionnés avec l’aide de sa femme, habile couturière dans un souci d’exactitude historique qui confond l’imagination. De ses mains sont sortis des squelettes effrayants de vérité, jusqu’aux animaux qui ont été ressuscités sous ses doigts d’artiste : chevaux, chiens, chats, lions, tigres, tout s’y trouve et Louis Richard grâce à son équipement remarquable, était capable de représenter n’importe quelle pièce, même exigeant une figuration spéciale.

 Ainsi, par exemple au bûcher de Jeanne d’Arc, on voyait un homme d’armes mettre réellement le feu avec une torche et le rideau tombait quand le bûcher commençait à flamber. Lors d’une bataille, on peut voir un cavalier dont la tête était emportée par un boulet, tandis que le cheval continuait sa course. Le théâtre Louis était arrivé à reconstituer un combat naval et les spectateurs avaient la nette impression d’apercevoir un navire sombrer dans les flots.

 Dans les batailles rangées, il n’était pas rare de voir s’amonceler sur scène plus de cent cadavres de marionnettes et du dernier carré de Waterloo, par exemple, on a conservé le souvenir d’une scène épique où les morts tombaient drus dans un enchevêtrement de caissons, de canons et de violence d’expression qui nous surprendrait aujourd’hui.

 Quand on jouait Jeanne d’Arc et qu’on chantait sur scène :

« Guerre aux tyrans !

Jamais, jamais en France

Jamais l’anglais ne régnera. »

toute l’assistance debout appuyait cette affirmation de 400 « non ! non ! » retentissants de quoi faire crouler tout l’établissement.

 Contrairement aux autres théâtres où les spectateurs ne se gênaient pas pour créer un certain tumulte et jeter des fruits à la face des marionnettes, le théâtre Louis avait su discipliner ses auditeurs et les séances avaient toujours lieu dans un calme relatif.

 

Une fois par an cependant, le lundi des Parjurés (c’est le lundi qui suit l’Epiphanie. Ce nom vient du manque de foi attribué aux rois mages qui ne rapportèrent pas au roi Hérode, comme ils s’y étaient engagés, des nouvelles de l’Enfant-Jésus). Louis Richard donnait une farce en trois actes intitulée « La perruque de la fermière » et les habitués savaient qu’à cette occasion, ils pouvaient se munir de projectiles et qu’ils seraient autorisés à les jeter sur la scène, à un certain moment. Ce moment était impatiemment attendu et quand la fermière intimait à son garde, Jacques, de faire son travail et d’arrêter quelques petits maraudeurs, Jacques se tournait vers la salle et criait : « Allez feu ! Cha y est ch’ed l’bombardement ! » A ce signal tous les spectateurs inondaient la scène de noix, d’oranges, de carottes, de navets, de pommes de terre tandis que le Petit Morveux surgissait sur scène pour enlever la perruque de la fermière, montrant son crâne à nu, sous les applaudissements frénétiques de toute l’assistance.

 Le répertoire du théâtre Louis fut très important. Environ 500 pièces ont été composées par Louis Richard et ses successeurs, pièces qui parfois comptent 40 actes et certaines mêmes comme « Les mystères de Venise » 120. Il faut ajouter plus de 200 « boboches » écrits dans le plus pur patois roubaisien.

 Mais la grande vogue des théâtres de marionnettes est morte depuis une génération, pratiquement depuis l’avènement du café-concert et du cinéma parlant qui a coupé les ficelles des marionnettes et comme disait Léopold Richard avec émotion : « L’rideau ya tché comme in’brique ».

 Heureusement la tradition a été reprise. Une association pour le renouveau de la marionnette à tringle existe à Roubaix. Les représentations sont nombreuses. La vitalité en est très grande. Nous conclurons en rappelant cette phrase de Paul Claudel : « La marionnette n’est pas un acteur, c’est une parole qui agit ».

Communication présentée par Monsieur Jacques PROUVOST, Président de la Société d’Emulation de Roubaix au Congrès de la Fédération des Sociétés Savantes du Nord de la France en 1990